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18 décembre 2010

Ballade en mineur, par Michelle Jolly

michelledoisneauSur un visuel de Doisneau, Ballade pour violoncelle, 1957

Ballade en mineur

Une sorte de boite pour violoncelle, abandonnée sur un quai de métro : je la regarde longuement, mais qu’y a-t-il à l’intérieur ?

Ce n’est peut être pas ce que vous croyez !

 

Le métro est encore là, regardez bien à droite, ce visage allongé, cheveux coupés en brosse, œil grand ouvert, nez pointu, ce qu’il voit lui coupe le souffle !

Et la jeune fille plus loin, jolie certes, mais elle semble vouloir se détourner, pourquoi ?

Quant à la main, celle qui sort de la porte fermée du wagon, elle s’affole, voudrait bien rentrer, se protéger sans doute …

 

Qu’y a-t-il à l’intérieur de cette boite, à la fin ? Je m’approche un peu,

Cette tête plate, ce long cou, ce corps lourd, cette ébauche de bras,

Et ces boutons qui ferment l’étui pourraient, en basculant, dévoiler le mystère !

Ceux qui entendent de la musique se trompent, personnellement, je n’ai jamais vu un violoncelle prendre seul le métro, même si parfois, la nuit……

 

La rame reste immobile, sur le quai, deux enfants discutent :

 « C’est lui, j’en suis sûr !, la même forme, se tenant pareil, venant d’une autre planète, je veux l’emmener à la maison, tu te souviens, il était si gentil, si tendre, et puis en vélo je volerais avec lui, rappelle-toi, on a rêvé souvent de le rencontrer, comme dans le film, laisse-moi faire… »

« Mais non, t’es fou ! il pourrait pas être là ! sur un quai de métro ! c’est pas possible ! dans un parc, un champ, d’accord,

ils auraient pu atterrir, souviens-toi du truc qui l’avait amené, rond, immense, lumineux, j’en ai rêvé souvent, je m’y

voyais moi aussi ! regarde il n’a pas de bras, ni de main et son doigt qui faisait de la lumière ? c’est pas lui ! vite montons, on va être en retard. ».

 

Je reste sur le quai, pas pressé, mais à quoi faisaient-ils allusion ? un étui en forme d’extra terrestre !

 

Le métro démarre, sur le quai la grande boite reste immobile,

Seule, une petite musique semble s’en échapper… curieux je m’approche :

 

« C’était un départ pour Orly, vite, la foule, les escaliers, j’étais bousculé, il m’a posé là, je me suis fait pesant, presque fixé au sol, il a tiré, tiré, la porte s’est refermée, et sa main m’a lâché…

Et pourquoi pas !! après dix ans de service,

Pourquoi ne pas avoir envie de liberté !

Je l’ai souhaitée souvent, à Berlin, à New York, à Paris,

Quand le chef m’énervait avec ses gestes de danseur oriental,

Quand la clarinette était en retard, me gênant pour attaquer,

Quand mon maitre, ému, amoureux, endormi, ne savait plus sa partition,

Quand l’archet mal farté m’égratignait le dos,

Quand je voulais dormir et qu’on me réveillait tôt le matin,

Quand mon étui était de mauvaise qualité et que je frissonnais,

Quand il m’oubliait dans un wagon, amoureux d’une rousse,

Quand la rousse le laissait et qu’il me faisait grincer !!

Quand il était en retard et me cognait dans le métro en courant,

J’ai envie de calme, de repos, délasser mes cordes,

sortir de ma boite, mettre le bois roux de mon corps au frais,

une mélodie, oui, mais quelques notes douces, l’archet me

frôle à peine, du repos, je suis trop vieux pour cette vie là. »

 

….j’hésite un long moment, deux rames passent, puis nous montons ensemble, je lui trouverai bien un coin chez moi, en attendant peut être, d’apprendre à jouer du violoncelle ! 

 

 Michelle Jolly,  2010


 

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