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9 avril 2011

A l'unission, par Danielle Géroda

 

piste d'écriture : nous faire partager alternativement l'univers mental de plusieurs personnages.


A l’unisson . . .

L’après-midi touche à sa fin quand elle pénètre, à pas feutrés, dans la chambre. Les rideaux fermés lui dissimulent ce visage qu’elle sait anguleux et livide. Il l’attendait depuis si longtemps, attentif à tous les bruits du couloir parvenant jusqu’à lui. Elle est là. Enfin ! Elle va poser, avec soin, sa veste et son sac, sur le lit et s’asseoir près de lui. Les yeux tristes semblent s’animer tout à coup.

Elle s’approche délicatement et saisit la main frêle qu’il lui tend et serre. Ce contact tendre, elle sait qu’ils en ont besoin, tous les deux. Qu’a-t-elle fait aujourd’hui avant de descendre à l’hôpital ? A t-il envie de lui demander. Elle est sûre qu’il a envie de savoir. Il fait tellement beau dehors. Elle sourit, comme elle en a pris l’habitude, depuis un mois, de ce sourire crispé qu’elle voudrait pourtant franc et engageant. Il lève son regard vers elle avec tout l’espoir du naufragé retrouvé, sain et sauf, sur la berge. Elle est la seule à lui insuffler des instants de joie, détachés de la grisaille de cette sinistre chambre.

Peut-il se douter, pense- t-elle, qu’elle est restée recluse, dans leur maison, à ressasser leur vie, les doux moments passés ensemble avant que cette cruelle maladie ne commence à le ronger. . ?

Il la regarde amoureusement. Tiens ! Aujourd’hui elle porte le beau pull vert anis, comme ses yeux, qu’il lui a offert l’été dernier. . . Mon Dieu ! Comme c’est loin ! Il aimerait tant profiter de ce soleil, dehors, avec elle, dans leur jardin. Elle lui propose de marcher, un moment, dans le couloir, mais tranquillement. Ils ont le temps avant que ne soit servi le repas.

Elle redoute d’ailleurs cette pause repas et accepte toujours de partir avant, comme il le lui suggère. Elle évite, alors, les supplications, les exhortations à faire un effort pour venir à bout du plateau et lui garde la satisfaction de lui éviter ce tourment. « Je mangerai plus tard, ne t’inquiète pas » c’est ainsi qu’il essaye  de la persuader du bien fondé de sa démarche.

Quant à la promenade ! C’est non ! Pour l’heure, il préfère se reposer, affirme t-il déterminé, et profiter, ainsi, de ces instants à eux deux seuls. . . .

Alors, elle se met à parler, à meubler tout silence lourd et pesant. Il faut empêcher toutes ces mauvaises pensées d’assaillir une tête déjà abîmée dans trop de réflexions. Lui écoute, faussement intéressé mais cela fait tellement plaisir à sa femme.

« Le voisin, au fait, a coupé les branches du noyer . . . La terrasse ne souffrira plus de la chute des noix et tu n’auras pas à le faire dès ton retour à la maison ». « Oui ! Tu as raison » approuve t-il, même si son cœur souffre de devoir battre à l’unisson de son corps mutilé.

Pendant combien de temps encore, pourra-t-il lui cacher cette souffrance à endurer jusqu’au dernier souffle ?

Pendant combien de temps pourra-t-elle lui cacher que cette maladie n’est pas celle qu’il croit ?

Mais, tous deux, sont-ils vraiment dupes ?

 Danielle Géroda

 

 

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