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22 mai 2011

Un bout de vie, par Magda

 

 Plusieurs pistes d'écriture : écrire une nouvelle avec une chute, ai présent de narration avec introduction d’autres temps.  Image ayant déclenché ce texte: « Le Cri » (Munch)

 

UN BOUT DE VIE                                                                                              MAGDA   -  4   mai 2011

 

Sur les bancs de  l’école, déjà,  Irène et Pierre apprécient leur proximité. Pendant la récréation, quelquefois, ils sont séparés. Mais c’est avec un plaisir réciproque qu’ils se retrouvent en concurrence pour des jeux d’équipes. Elle est la plus rapide des filles et Pierre le meilleur des garçons. Tant de jeux partagés créent une complicité certaine ;  si Irène se trouve embarrassée, voire réprimandée, Pierre vole à son secours avec autant de spontanéité que d’efficacité ; avec audace même,  à l’occasion.

L’adolescence  pointe son nez. Leur complicité s’affirme, affinités communes : goût du grand air,  de l’exercice physique, de la Nature et du Beau. Si Pierre gratte la guitare et chante, Irène l’accompagne de sa  voix  juste. Avec grâce et dynamisme elle pratique la Danse moderne. Lors de réunions entre copains,  ils se retrouvent souvent sur la piste et l’habitude de danser ensemble leur permet d’improviser : la drôlerie et l’humour qu’ils y mettent amusent les autres !  Adolescence bien installée maintenant ; lectures partagées, marguerite effeuillée, baiser effleuré.

Ils poursuivent leurs études ;  Irène se destine à l’enseignement (travail personnel important, longue recherche de documentation). Pierre vise la robotique, débouché assuré.  A Pierre détendu, rarement surchargé s’oppose Irène, laborieuse et souvent débordée. Le groupe d’amis d’enfance s’étiole quelque peu mais Pierre fait partie du nœud résistant ; au prix d’astuces parfois, il répond toujours présent alors  qu’Irène, bien souvent, décline  une invitation. Les examens, les saisons défilent et  chacun mène son projet avec bonheur. Dès aboutissement,  Irène et Pierre deviennent d’heureux parents ; ils créent rapidement une petite famille.

Une petite famille à laquelle Irène donne tout son temps disponible. Pierre, chercheur, bénéficie d’un horaire très souple. Rapidement, il a su se mettre en avant dans son milieu  professionnel. Son temps de loisirs s’en trouve accru et il pratique diverses activités : club vélo, stages de danses  de salon, échecs,  tir à l’arc,  réunions plus ou moins professionnelles. Il réserve du  temps parfois pour jouer avec les enfants qui l’adorent. La vie est belle …. Maman est là pour le confort matériel, pour les limites permises par une sérieuse éducation, pour quelques jeux dans la cuisine pendant l’épluchage des légumes,  pour l’histoire et le bisou-câlin du soir…Irène aimerait bien quelque soulagement dans ses tâches coutumières, mais il lui a été  impossible de trouver un service satisfaisant et Pierre  ne sait pas ou n’aime pas ou a  justement une obligation professionnelle. Bien que compréhensive et toujours accueillante, Irène souffre de ce quotidien besogneux. Mais l’harmonie de la famille, les retrouvailles de la nuit avec ses serments d’amour effacent la peine de la journée.

Peu à peu, pour Irène les anciennes relations se sont espacées ou ont disparu. Pierre en a créées de nouvelles, auxquelles sa femme est totalement étrangère ; elle n’en connaît l’existence que lorsque Pierre avertit qu’il rentrera très tard ce soir,  ou lorsque le téléphone sonne et que Pierre y répond discrètement. Mais l’harmonie du foyer,  les retrouvailles de la nuit… Tant et si bien  que la famille s’agrandit encore pour le bonheur de tous.

Trois jeunes enfants de cinq et  trois ans  plus un nouveau né, ça peut occuper à plein temps ! Pierre et Irène réfléchissent ensemble, pèsent le temps nécessaire, le mieux-être des enfants, utilisent aussi la calculette pour finalement décider une mise en disponibilité d’Irène.  Les trois paires de menottes font une ronde charmante autour du sourire réconfortant de Maman. Irène est rayonnante et Pierre soulagé par une sage décision commune.

Bientôt, Irène ne peut s’empêcher de remarquer avec étonnement, que contrairement à ce qu’elle craignait la perte de salaire ne se fait pas  sentir ; très rapidement Pierre pourvoit encore plus  largement aux dépenses nécessaires ; du luxe même de temps en temps avec un très bon restaurant, une garde d’enfants, un petit week-end dans les environs. Bref, la belle vie ! Irène se régale d’éduquer ses enfants, de jouer avec eux, de retrouver Pierre le soir (très tardivement de plus en plus souvent) Semaines et mois s’écoulent ainsi pendant lesquels, Irène organisée, nage en plein bonheur.

Mais le « métier » lui manque ! Tous ces enfants, anciens élèves, caracolent dans ses souvenirs ; la satisfaction ou la déception même qu’ils lui apportaient se manifeste par une espèce de « vide », comme une lacune qui veut être comblée ! Les échanges brefs mais conviviaux entre collègues, souvent intéressants en information ou en approfondissement, entretenaient par les affinités,  des liens  bien présents dans sa tête et dans son cœur. Elle ne peut plus  discuter de l’actualité, pas même de la visite de policiers pour  l’enquête de voisinage au sujet du braquage de la banque proche ; elle est souvent endormie lorsque tard le soir, Pierre regagne la maison.

Un sentiment d’isolement s’empare d’elle  peu à peu. Plus de sorties avec des couples amis pour partager un spectacle, un concert ou quelques danses ; plus d’invitations à recevoir ou à donner, plus d’échanges…Par hasard, il y a deux jours, Irène a croisé  Pierre à une terrasse de café et  prenant un verre avec un monsieur qu’elle ne connaissait pas. Les présentations ont été rapidement faites, Pierre ne semblant pas désireux de s’y attarder.  Inattendue cette rencontre, plus surprenante encore par l’heure, bien postérieure à celle de  la sortie du personnel du CNRS. Ce soir-là, Pierre est rentré plus tôt ! Alors, bien que cette nouvelle relation  ne lui ait pas paru particulièrement  sympathique, Irène  a proposé de l’inviter ainsi que son épouse pour un « apéro » soit à la maison soit à l’extérieur. Pierre n’a pas donné son assentiment : relation très superficielle,  épouse  jamais rencontrée, agenda chargé ; il y avait mille raisons…

Irène s‘interroge, s’interroge encore, ne comprend plus, ne peut répondre ;  la sérénité s’en est allée. Elle se sent enfermée, repliée en elle-même. Sur les plateaux de la balance, bien sûr, la famille l’emporte, mais…  Et Pierre est bien surpris lorsque le médecin qu’elle s’est enfin décidée à  consulter ordonne des antidépresseurs. Pierre réussit alors  à se rendre disponible, à participer au coucher des enfants et à entourer un peu plus Irène. Pour un temps du moins,  car peu à peu les rentrées tardives se répètent à nouveau. L’harmonie de la famille, les retrouvailles de la nuit… prennent un goût de Passé, de Dépassé même…

Six heures du matin ! Sonnette ! A cette heure-là ! Irène se bat avec les somnifères pris la veille et quand elle se lève enfin : dans l’entrée deux policiers encadrent Pierre qui semble surpris, proteste… Un élan vers Pierre mais,  interdite,  elle entend quelques mots « braquage de la banque ». Et stupéfaite, voit les policiers emmener Pierre qui ne se retourne même pas…. Hébétée, elle suit telle une automate, quitte la maison où les petits dorment, suit des yeux la voiture qui démarre… et dans la rue silencieuse hurle « NON »  

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