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19 mai 2011

"Non", dit-elle. Par Michelle Jolly

 

 Piste d'écriture : décrire le basculement d'une vie, la goutte d'eau qui fait déborder le vase, un déplacement intérieur, qui modifie tout...

 "Non", dit-elle

Elle avait dit »non », du balcon où elle était assise, derrière son dos buté, il voyait le jardin désordonné, il se sentait désemparé, ne trouvait plus ses marques, elle avait dit non, et il ne voulait pas comprendre.

Triste matin  blanc, vif, un peu frais ; la nuit avait  été douce, silencieuse, sans accrocs, pourtant il la sentait résolue, il tenta une accalmie, pourquoi ce non ?

 définitivement non ?

Il s’éloigna, écorché par ce refus coupant comme de la glace.

 

Elle se pencha sur le jardin encore endormi, délaissés depuis de longs mois, les rosiers n’avaient pas été taillés, « peu de fleurs cette année, pensa-t-elle, de toute façon je ne serai pas là pour les voir ! »

Cette maison était parfaite, la rivière au loin, les arbres, la prairie autour, pour les enfants, un paradis…

Le temps s’était écoulé dans cet espèce de cocon,  le sable qui glisse entre les doigts, qu’on ne peut retenir ; mois, années, tout cet espace flou, terne la séparant du jour où , jeune femme amoureuse et déterminée, elle avait décidé que c’était lui,  l’unique compagnon, le père qu’il fallait aux enfants à venir !   

Sur un nuage, elle avait tout pensé : les économies pour la jolie maison, les enfants ; et les jours défilaient : abandon de son métier pour se consacrer à son bonheur, au mari  pris par son travail, ayant besoin pour son standing d’une femme qui savait recevoir ! Elle s’était aventuré dans divers chemins : la perfection en cuisine, dernier look en décoration, savait écouter, répondre, affichant une culture qu’elle était loin de posséder !

Elle était celle sur qui tout reposait, il le lui répétait tous les jours ou presque !

Au début elle en était fière, reconnaissante, elle se sentait utile,  même précieuse.

 

 Bien sûr il y avait ses copains , leurs nombreuses fêtes d’où elle était exclue.

Bien sûr il y avait l’alcool, une habitude, la clientèle….

Bien sûr il y avait eu une Gilda en vacances, puis une Irène presque un an, les  autres noms lui échappaient..

Bien sûr elle pardonnait, repardonnait,

Bien sûr il y avait cette Sarah, un peu cousine, un peu amie d’enfance, si déprimée, si fragile qui l’appelait souvent…

Bien sûr cela faisait huit années, et les enfants …

 

Elle mit dans un grand sac tiré de dessous l’armoire des vêtements pris au hasard  

Une voix, loin, murmurait, « où va tu aller, chez qui ? comment vivre ? le travail, difficile, et les enfants ? »

Dans sa chambre la glace sur la commode lui renvoyait une image qu’elle n’aimait pas, elle se voyait, défaite, terne, l’éclat des yeux et du teint avaient disparu, elle avait un geste nerveux, sans arrêt replaçant derrière l’oreille une mèche rebelle. Cette femme-là ce n’était pas elle, pourtant le corps était encore agréable à voir, les jambes toujours aussi belles, bien qu’elle se sente lourde et maladroite.

Elle appela sa mère de son portable : »peux tu venir prendre les enfants, je voudrais passer le week-end end avec eux chez toi » à la réponse affirmative elle sentit un relâchement, un premier pas hors de l’enfermement… elle respira mieux. Elle ferma alors son sac au moment où il entrait dans la pièce :

« Reste, dit il, je te promets, ça va changer, sans toi… tu m’es si précieuse…… »

Elle ne le laissa pas achever, attrapa son bagage, dit « non », et franchit la porte.    

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