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12 mars 2012

Défilé de beautés, par Rolande Bernard

Proposition d'écriture: créer un dialogue, en jouant avec le contexte. Ne pas hésiter à faire connaitre les pensées des personnages et leurs réactions à ce qui est dit. Remplacer certaines répliques par un geste explicite.
Rolande s'est amusée avec cette proposition, et nous amuse aussi...

Défilé de beautés

rolandemarieMarie ne pouvait se décider. Cela faisait plusieurs fois qu’elle était venue devant cet immeuble. Sa timidité l’empêchait de mettre le doigt sur cette sonnette. Est-ce que sa morphologie correspondait à la demande ? Elle eut un doute. Elle plongea sa main dans la poche de son manteau, lut et relut l’annonce trouvée à l’école de danse. On demandait bien une grande fille – sa taille, 1m78 -, mince – son poids, 49 kg - , d’un physique agréable – tout son entourage disait d’elle qu’elle était jolie.

Elle était là devant la porte quand celle-ci s’ouvrit. Elle entendit une voix masculine :

-  Vous venez pour le casting ? 

- Oui euh… je crois. 

Elle sentit le sang lui battre aux temps, son visage devint rouge écarlate, ses jambes se mirent à trembler. Le jeune homme en face d’elle la dévisageait.

- Eh bien, rentrez !

Et d’un geste puissant, elle fut propulsée à l’intérieur du bâtiment.

- Suivez-moi. Nous allons vous recevoir. Il nous manque une candidate. Nous allons voir si vous convenez aux critères demandés.

Les deux étages furent gravis rapidement. Marie se trouva dans un magnifique loft aux couleurs claires, et meublé avec goût. Elle entendit la voix de son inconnu dire :

- Chouchou, viens, j’ai trouvé cette jeune fille en bas. Veux-tu la recevoir ?

- Mais tu le sais Dominique, les séances pour postuler sont terminées, et de plus Madame Henri est partie.

- Oui je le sais. Mais la grâce de cette personne et sa réserve m’ont interpelée. Je suis sûre qu’elle fera une bonne recrue.

- J’arrive.

Par une porte dérobée, Marie vit apparaitre un Adonis efféminé. Elle se dit :

- Quel dommage que son existence ne sera vouée qu’aux hommes !

Il s’approcha d’elle, la salua avec infiniment de douceur, prit sa main, la regarda longuement, la fit virevolter sur elle-même, et entreprit de prendre ses mesures : jambes, bassin, taille, poitrine, tout y passa. Dominique notait les chiffres que Couchou lui dictait.

Marie avançait, reculait à la demande de celui-ci. Elle savait comment faire. Malgré sa timidité, elle rêvait de monter sur les podiums, et à l’insu de ses parents avait pris des cours, non avec un professeur spécialisé car elle n’aurait pu le payer, mais avec un ancien mannequin.

Chouchou lui dit :

- Ce sera votre premier engagement ?

- Oui.

- Vous savez, ce n’est pas un métier de tout repos. Pas un gramme de trop ne vous sera autorisé. Des voyages fatigants. Etes-vous prête à tout sacrifier ? Il faudra être toujours au top, toujours disponible.

Un instant, Marie ferma les yeux et se mit à sourire en pensant à la dernière visite qu’elle avait fait à la ferme de ses grands-parents. Leur principale activité, l’élevage de bovins. « Que fais-tu papy ? avait-elle demandé.

- Je prépare Rosalie pour le concours qui aura lieu dans un mois à Aurillac. Elle doit répondre à certains critères. Voici le vétérinaire.

- Bonjour, où est la beauté que je dois ausculter ? »

Rosalie fut pesée, mesurée, palpée sur toutes les coutures. Après un examen minutieux, le vétérinaire lui dit tout en la caressant :

« - Tu fais honneur à ta race. Tu es bonne pour passer devant le jury.

Puis se tournant vers l’éleveur :

- Attention, Pierre, vous devez la surveiller. Pas un gramme, le poil toujours lisse. Et vous devez lui faire faire plusieurs tours de cour par jour attachée à un licou pour lui apprendre à être disciplinée quand elle défilera devant les examinateurs. »

- Pourquoi souriez-vous ? demanda Choucou.

Marie se mit à rougir, mais ne se démonta pas. Avec l’audace des timides, elle expliqua :

- Je pense à Rosalie.

- Qui est Rosalie ?

- La génisse de mon grand-père, qui doit concourir aujourd’hui à la foire d’Aurillac. Curieuse coïncidence, n’est-ce pas ? Comme moi elle doit correspondre à certains critères et comme moi, elle sera dans l’attente d’un jugement.

Dominique et Chouchou se mirent à rire aux éclats.

- Oui en effet, on peut voir une certaine similitude, dit Chouchou. J’ai toujours vécu à la ville. J’ignorais que les vaches devaient subir le même sort que nos mannequins.

- Pauvres bêtes, s’écria Dominique, c’est inhumain, je suis sûr qu’elles préfèreraient gambader dans un pré.

- Nos filles aussi, tu ne crois pas ? renchérit Chouchou.

Puis, se tournant vers Marie :

- Je ne vais pas vous laisser dans l’incertitude, j’aime votre manière d’être, vous ferez partie de l’équipe qui présentera nos collections d’été. Nous avons besoin d’un visage neuf.

Marie fut si heureuse qu’elle se jeta au cou de ces deux garçons en répétant : « Merci, merci ! », prit congé, descendit les escaliers quatre à quatre. Arrivée sur le trottoir, elle téléphona à son grand-père :

- Papy, et Rosalie ?

- Elle a remporté le premier prix. Elle est sélectionnée pour le concours national à Paris. Quelle aventure, n’est-ce pas ?

- Comme moi.

- Qu’est-ce que tu dis ?

- Je t’expliquerai.

Rolande, mars 2012

 

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