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7 novembre 2012

Cousue de fils blancs, par Françoise Martin-Faure

Piste d'écriture: la métaphore. Ce texte a également été conçu comme une "suite" au poème de Jacques Prévert, La lessive (http://www.unjourunpoeme.fr/poeme/la-lessive)

 

COUSUE DE FILS BLANCS…


La jeune fille de la maison rageuse, courut dans sa chambre, prit le tissu qu’elle venait d’acheter au marché Saint Pierre  pour se faire un manteau et l’étala soigneusement sur le sol. Le tissu était bleu roi, sa couleur favorite, valorisant ses yeux bleus. Elle en avait acheté suffisamment pour que l’ampleur soit belle et camoufle ses formes. Elle s’empara des grands ciseaux de couturière qu’elle posa près d’elle et décacheta l’enveloppe contenant le patron de son manteau. Les formes de papier de soie s’étalèrent au sol  et elle en choisie une, celle du dos qu’elle appliqua sur le tissu avec des épingles à tête. Ensuite, à l’aide d’une craie de tailleur, elle marqua les formes puis elle saisit les grands ciseaux et dans une colère folle, elle découpa le tissu crissant, en suivant la silhouette exacte du patron. Satisfaite, elle mit le tissu découpé sur son lit et procéda de nouveau au découpage des autres parties du manteau, le devant, les manches, le col….

Ca lui faisait beaucoup de parties découpées maintenant et elle regardait l’empilage de tissus bleus posés sur son lit avec satisfaction.

Dans sa boite à couture, elle choisit une aiguille fine, du fil blanc et armée de son dé à coudre, faufila à grands sauts d’aiguille, les formes du manteau qu’elle assembla entre elles. Il lui manquait la doublure mais ce serait pour plus tard.

Sa colère se calmait après le moment terrible qu’elle venait de vivre. Elle avait été plongée et replongée dans une bassine par sa famille pour laver "sa bosse honteuse".
Ils avaient essayé par tous les moyens d’éliminer son gros ventre trop visible aux yeux de tous.
Il fallait laver l’honneur de la famille !
Cacher sa faute !

Et voilà ce qu’elle essayait de faire à son tour.
Le surfilage blanc soigneux et appliqué calmait sa colère et réparait sa peur.

Elle essaya ensuite le manteau sur ses formes rondes et sourit du résultat en se regardant dans le miroir. Bien sûr, les fils blancs marquaient le bleu du manteau mais elle pressentait déjà le résultat final de son œuvre, un beau manteau bleu sorti de ses mains habiles.

Elle se dirigea vers sa machine à coudre Singer qui fixerait son travail de couturière, et choisit la canette de fil bleu pour parfaire les coutures. Le ronronnement de la machine anima sa chambre.

Deux heures plus tard, épuisée par l’attention aiguisée qu’elle donnait à ce travail minutieux, elle posa le manteau sur ses épaules. Tout était parfait, ses rondeurs disparaissaient dans le
 tissu moelleux.

Elle s’apprêta alors à sortir avec son  manteau tout neuf.
Elle rejoindrait ses amis au café de la Gare. Tout était bruyant dans la rue mais elle aimait le bruit. Elle marchait comme une reine, fière de son oeuvre et les passants se retournaient sur son passage. Par habitude, avant d’entrer dans le café, elle jeta un coup d’œil dans la glace et s’aperçut avec horreur qu’elle n’avait pas enlevé les fils blancs du surfilage….ils tombaient un à un au fil de ses pas……

Alors elle comprit qu’elle était vraiment en cloques et qu’aucun camouflage ne serait possible. Elle avait un polichinelle dans le tiroir !

Et la jeune fille….

De fil en fil  perdit le fil
De son histoire
Cousue de fils blancs
Elle fila à l’anglaise
Et s’enfila
Dans une ruelle
Folâtrer avec des fils
De toutes les couleurs
Pour un filage de film
Où elle fila le parfait
Amour fil à fil
Avec un funambule
Écrivain sur son fil.
Mais pour cela
elle refila le bébé
À une fileuse de la filature….

Elle était délivrée !


Françoise  Martin-Faure
18 Octobre 2012

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