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5 février 2013

Olga, les poules et le ballon rouge, par Roselyne Crohin

Piste d'écriture: entre deux photos (la dame ci-dessous et un enfant), créer un lien

 

Olga, les poules et le ballon rouge

 

 points_de_vue_images_dame

 Fr – fr – fr – fr… 

Cot – cot – cot – cot…

Dans un bruit d’étoffe froissée, de battements d’ailes et de claquements de gosiers, Olga Petrova, une géorgienne sans âge, revêtue d’une chasuble d’organdi vert bronze, distribue à la volée des grains d’orge à la basse-cour qui picore à ses pieds. La cour d’honneur de sa maison de maître est toute maculée des déjections de ces volatiles, malgré les soins répétés de Mehmet, son chauffeur turc.

Boooum !

Cot – cot – cot – cot – cot – cot

- Oh zut alors, crie une petite voix aigüe de l’autre côté de la grille.

C’est P’tit Louis, un galopin du village, en culotte courte, qui vient de s’exclamer en réalisant que son ballon est passé de l’autre côté du mur.

- Attends que je t’attrrrappe, petit garrrnement. Tu as effrrrayé mes poules. Je vais te tirrrer les orrreilles.

Fr – fr – fr – fr – fr

Olga Petrova Kremenova se précipite à petits pas pressés jusqu’au portail. Un petit coup d’œil à droite, un petit coup d’œil à gauche : la rue est vide. Le fautif a disparu !

Profitant du portail ouvert, trois ou quatre poules se faufilent à l’insu d’Olga et s’aventurent hardiment dans la rue principale du village.

Pssst – Pssst – Pssst – Pssst, s’évertue Olga pour les faire rentrer. Mais rien à faire, les volailles sont trop contentes d’avoir leur liberté. Un gamin passe en sifflotant, les mains dans les poches. C’est P’tit Louis qui revient, l’air de rien, sur les lieux de son méfait.

- Eh toi, gamin, aide-moi à rrratrrrapper mes poules. Tu courrrs plus vite que moi. P’tit Louis réfléchit un quart de seconde et en conclut que Madame Olga ne peut pas savoir que c’est lui qui a envoyé le ballon. Autant l’aider, pense-t-il, car il pourra sans doute récupérer son ballon avec un peu de ruse.
Pour P’tit Louis, c’est un jeu d’enfant de courser les poules et de les ramener dans la cour. Pour le remercier, Olga Petrova lui propose d’entrer.

En traversant la cour, P’tit Louis fait mine d’ignorer le ballon rouge qui s’y trouve de façon tout à fait incongrue. Il suit Madame Olga dans ses appartements.

- Je vais t’offrrrir le thé pour te remerrrcier. Tu aimes le thé ?

- Si ça vous dérange pas, j’aim’rais mieux un chocolat chaud.

- Ah, vous, les frrrançais, vous ne savez pas boire le thé, cette boisson merrrveilleuse qui se rrrécolte sur les rrrives de la Merrr Noirrre.

C’est dégoûtant, pense P’tit Louis qui a vaguement entendu parler de la marée noire au poste. Raison de plus pour ne pas boire cette saleté. Il se cale au fond du fauteuil, les pieds ballants au-dessus du vide, en attendant que Madame Olga ait fini de donner ses ordres à la cuisine.

Elle ne tarde pas à revenir, escortée par un petit bonhomme à moustache et à calot qui, en plein milieu de la journée, est encore en pyjama.

-       Pose tout ça surrr la table, Mehmet, ordonne Madame Olga et rrrapporrrte quelques loukoums pourrr notrrre petit invité. Tu aimes les loukoums ?

-       Les quoi ?

-       Ah, tu vas voir. Il n’y a rien de plus divin. N’est-ce pas Mehmet ?

-       Pourquoi vous parlez avec cet accent ?

-       Ah ça, c’est une longue histoirrre. Il y a trrrès longtemps, je vivais dans un pays merrrveilleux, la Géorgie. Toutes les dames porrrtaient des rrrobbes comme celle-ci, dit-elle en désignant le vieil oripeau d’organdi qu’elle revêtait.

-       Whaouh, s’exclama P’tit Louis qui aimait beaucoup jouer à se déguiser avec ses cousines.

-       Et lui aussi il vient de Georgerie, demanda-t-il en désignant Mehmet qui revenait avec son plateau de loukoums.

-       Non, lui, il vient d’Istanbul. Il est turc. Quand ma famille a fui à Istanbul, il est devenu notre chauffeur.

La Georgerie, les kouloums, Chtanboule… que de nouvelles choses à raconter aux copains demain, à l’école. P’tit Louis goûta du bout des lèvres un loukoum et un nuage de sucre glace se répandit sur ses vêtements. Olga Petrova lui tendit une petite serviette brodée pour qu’il s’époussette.

Pas très à l’aise dans ce salon qui lui rappelait le cabinet du Docteur Michel, il se dépêcha de boire son chocolat et de demander la permission de repartir.

Olga Petrova sourit et le remercia de lui avoir tenu compagnie. Elle était si seule au milieu de ses poules, avec pour seule présence humaine son vieux chauffeur turc.

-       Tu peux prrrendre le ballon rrrouge dans la cour, c’est un enfant qui l’a lancé par-dessus le mur, lui cria-t-elle depuis le pas de la porte alors qu’il se dirigeait vers le portail.

-       Oh merci, Madame Olga. Il est très beau. Ca me fait vraiment plaisir !

 

 

Le 28 janvier 2013

 

 

 

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