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15 février 2013

Héroïne d'une vie ordinaire, par Aline Marty

Piste d'écriture: sélectionner des titres de romans qui deviendront les titres de vos chapitres.

 

Héroïne d’une vie ordinaire

 

Tous les chats ne sont pas en peluche

fillette_et_chatLa petite fille que je vais appeler ici Caroline chantonnait en sautillant dans le jardin : « Caroline en bois, Caroline en fer, Caroline en fil de fer… »

« Ce n’est pas une vraie chanson », soupirait-elle en s’arrêtant. Chaque moment de son enfance, elle ne passait pas une journée sans penser à cela : « Je serai chanteuse, j’ai une jolie voix, je voudrais que les gens m’écoutent. »

Mais le seul qui semblait s’en douter, était son voisin, le rude Maxime, avec sa barbiche rousse et sa voix tonitruante, qui lui disait quand elle tardait trop : « Alors, que se passe-t-il, tu ne chantes pas ce matin ? »

Caroline alors s’arrêtait et ne savait que lui répondre. Car Caroline ne chantait pas comme un moineau mais comme une cigale. C’est aussi le surnom que lui donnait Maxime, Cigale ou Cigalou.

Elle était fière Caroline, elle n’avait pas un chat dans la gorge.

C’était une petite fille solitaire, pour ne pas être triste elle chantait, et cela elle ne le savait pas.

Elle courait aussi derrière les chats de la maison, les prenait dans ses bras, et roulait sa tête dans la douceur de leur toison. Ces moments de tendresse étaient une réserve d’amour qu’elle faisait pour l’avenir. Cela, elle n’en avait pas conscience non plus.

L’enfance de Caroline se poursuivit ainsi, faite de petits rêves.

 

Un secret sans importance

Caroline a dix-huit ans aujourd’hui. Elle se trouve dans une chambre de bonne sous les toits de Paris. Elle regarde les fenêtres à meneaux de l’hôtel d’en face.

Caroline est curieuse, elle voudrait voir, depuis son vieux canapé, s’ouvrir les grands rideaux rouges, comme au théâtre de Molière. Et voir les vies défiler. Des milliers de vies qu’elle pourrait choisir. Quelle scène lui conviendrait ? Quel rôle ? C’est si difficile à cet âge de savoir ce que l’on désire vraiment.

Caroline est partie de sa province après le Bac, a quitté ses parents, ses amis et ses chats avec qui elle avait fini de jouer.

Mais elle n’a pas quitté ses rêves, qu’elle nourrit de cinéma, de lectures. Elle a enfermé dans sa valise toutes ces choses qui ne se voient pas, ses secrets sans importance, pour poursuivre sa vie.

Mais rêver ne suffit pas à vivre. Comme, enfant, elle avait besoin qu’on l’écoute, et qu’on l’embrasse, elle a besoin d’expérimenter et de se risquer dans la vraie vie.

Elle doit, c’est impératif, aller à la rencontre des vrais gens. Mais comment ? Elle n’a pas le code.

Les héros de la vie ordinaire

En attendant, elle va s’intéresser aux héros de théâtre. Rapidement, elle se fit inscrire au cours Florent. Avide de connaissances, elle rattrapa le temps de long sommeil qu’avait été son adolescence, apprenant sur la scène à se libérer de ses angoisses, regardant dans les yeux des autres son propre reflet.

Puis il y eut cette rencontre : un jour sur les quais de la Seine, alors que les nuages semblaient flotter sur l’eau profonde du fleuve, elle vit Julien, son béguin d’autrefois, qui l’été passait devant chez elle en vélo. Caroline secrètement amoureuse, courait devant sa porte peu avant l’heure de son passage. Assise sur les marches d’escalier, elle le guettait. Quelquefois, elle put plonger son regard dans le sien, mais rougissant, il passait. Ils avaient alors treize ou quatorze ans. Ils avaient fini par se parler, et même à devenir amis, mais Caroline n’avait jamais osé lui avouer son trouble.

Et les voilà, des années après, à nouveau face à face. Aujourd’hui il était à pied. Sans la reconnaitre, il la bouscula. Se retournant pour s’excuser, il la reconnut ; elle avait perdu l’équilibre, il la rattrapa.

« Caroline ? Je n’y crois pas !

- Moi non plus. »

Dans la foule, ils s’embrassèrent sur les joues, ce qui dissipa l’hésitation que Caroline avait ressenti au premier regard.

Des gouttes de pluie commençaient à tomber.

« Viens, dit Julien, nous n’allons pas nous quitter aussi vite ».

Il lui prit la main d’autorité et ils rentrèrent dans le premier troquet venu. Comme dit la chanson, « ils se racontèrent leur vie qui commençait ». Le hasard leur avait donné une nouvelle chance ; qu’allaient-ils en faire ?

Il y eut d’autres rencontres après celle-ci. Premiers baisers, première nuit ensemble, il l’accompagna au théâtre pour ses répétitions, et l’encouragea. Lui travaillait déjà : postier à vélo, facteur quoi. Mais, lui expliqua-t-il, cela ne suffisait pas à remplir sa vie. il mettait de l’argent de côté pour partir en Inde plusieurs mois. Pourquoi ne viendrait-elle pas avec lui ?

Caroline avait franchi les premières barrières, elle s’était ouvert des portes vers la liberté. Mais sa liberté n’était peut-être pas celle de Julien. Au moment de son départ, elle répétait avec un metteur en scène qui lui avait confié un vrai rôle, celui d’une petite chanteuse, et elle n’était pas prête à abandonner. Peut-être le rejoindrait-elle plus tard ? qui sait.

Quoi qu’il en soit, avec ou sans Julien, l’espoir était en elle. Elle avait rattrapé la vie.

 

Aline Marty

Photo: http://www.agora-photo.com/la-fille-et-le-chat-raw-online-12652.html

 

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