île-émentaire... par Carole Menahem-Lilin
pistes d'écriture: écrire avec ses sens; et un thème, l'île.
Mon île est partout, je la porte en moi.
Sur une île, on est plus exposé qu’ailleurs aux éléments,
à l’élémentaire.
J’aime être debout bousculée par le vent
qui ne cesse pas.
J’aime lécher le ciel sur la vague,
J’aime même quand il saigne
et que je me sens plus femme
femme jusqu’au creux du sexe
adossée aux plis sauvages à l’odeur ronde et blessée
où nichent les oiseaux,
épaulée aux dunes,
dans ce mimosa intemporel, ces joncs âcres,
cette pâte sablée presque amère de roussi,
enroulée à cette musique de conque
où le hasard joue un corail enfantin…
orgue d’aube du monde
branchages criblés de pierres.
Mon île est partout, je la porte en moi,
physique comme un amant.
Soie griffue des plumes
épée des becs,
parfums fragiles de la certitude,
oui ces senteurs indéfinissable,
surgies d’où on ne sait,
herbe d’orange enrobée d’écume,
sueur de sable surmené…
Mon île est partout, je la porte en moi,
voix comme du sucre qui aurait filé,
touchers telle une eau subtile,
et ce vent maritime,
criard et ivre-roux,
cidre répandu sur des toits de zinc,
ce vent,
comme un marin ivre de ses propres nuées,
et qui ne cesse pas,
et qui ne cesse plus
d’appeler
chargé de toutes les nostalgies de l’île…
tandis que loin de l’île
j’emmêle mes pas
dans le grand pouls du monde…