IL me parlait de la plus belle des îles, par Danièle Géroda
Piste d'écriture: l'île.
Qu’elle était extraordinaire !
Cette île décrite par mon père,
Cette île qui me fit longtemps rêver
Avant que je ne connaisse la vérité.
Ile ! île !île !
Tu vois ! Imagine un joli tas de terre
Emergeant d’un beau brin de mer
Avec comme seul arbre un palmier.
Voilà ce qu’il me disait mon père
Et moi, fascinée je l’écoutais.
Mon esprit intrigué suivait l’itinéraire
Qu’avec ses mots enjoués il m’indiquait.
Ile ! île ! île !
Tu vois ! Marche doucement sur le sable chaud.
Ecoute clapoter les vagues contre le radeau.
Le silence est seulement troublé par de l’eau.
Ile ! île ! île !
J’accostais alors sur un petit rivage.
Sur ces trois lettres habillant ton mot,
Ile !mon île, plus étroite qu’un nuage,
Assez grande pour y loger mes maux.
Qu’elle était magnifique !
Cette île que, peu à peu, j’explorais
Goûtant à tout son panel de saveurs pimentées
Sous son ciel azuré et ses criques complices.
Ile ! île !île !
Je respirais une tranquillité authentique.
Je courais, m’amusais ! Tout était magique.
Dans ce monde peu ordinaire
Je savais nourrir mes chimères.
Ile ! île ! île !
C’est ainsi que je t’avais choisie, aidée par mon père.
Toi, Ré la blanche,
Toi, Yeu la perle de l’atlantique
Toi, Aix la lumineuse
Ou toi, Arz, celle des capitaines.
Avec 2 ou 3 lettres costumant ton nom
J’étais comblée, ta petitesse était mon cocon.
Ile !île ! île !
Je devenais Tom Pouce, le petit Poucet,
Un microbe,un lilliputien
Sa majesté des mouches
Enfin tout ce que me confiait le dictionnaire,
A moi, une nouvelle insulaire.
Seulement, un jour,j’ai grandi.
Ma tête déshabilla d’autres univers.
Elle n’a pas oublié Crusoë, Vendredi,
Edmond Dantès, Papillon, même Napoléon
Ni ce que me racontait mon père.
Mais île ! île ! île !
Les trois lettres de ton nom
Ont grossi sous le crayon :
3, 4, 5 ou 6 puis 10 lettres
Et j’en parle sans en faire l’inventaire.
Ile ! île !île !
Il y a la Martinique touchant mon cœur.
Elle m’a parlé d’Aimé Césaire
Mais aussi d’esclaves brimés,
De volcans, de la montagne pelée
Et de cataclysmes sévères
Malgré ce doux nom d’île aux fleurs.
Ile ! île île !
J’ai erré douloureusement dans l’île des pleurs,
Celle des lépreux et de leur dernière demeure,
Malgré l’abondance de seringa et de mimosa.
Mais la vie, ce n’était pas ça à Spinalonga.
Ile ! île ! île !
Encore aujourd’hui, on vit et on meurt,
Parce que la porte de l’Europe ne s’ouvre pas
Pour vous des migrants aspirant au bonheur
En vous échouant ou pas sur l’île de Lampedusa.
Ile ! île ! île !
Où se trouve donc le paradis ?
Le jardin d’Eden ? peut-être à Bali ?
Cette île bénie par les dieux !
Faut-il voguer sous les tropiques ?
Traverser les océans, Atlantique, Pacifique,
Résister à la houle, aux pirates.
C’est bien parfois de devenir amnésique !
Ile ! île ! île !
Qu’elle était extraordinaire !
Cette île décrite par mon père !
Celle dont je rêve encore
Mais qui n’existe pas dans le décor.