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6 juillet 2015

Un verbe fou, par Frédérique

Piste d'écriture: titres et noms de théâtre piochés dans le festival d'Avignon 2014.

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Ça m’est tombé dessus, comme ça, d’un coup, raconte Virginia. J’ai d’abord entendu le grincement sinistre d’une porte, d’un verrou qui saute. Puis c’est mon cœur, qui sous le choc, s’est déchiré. Lacéré par la violence de l’obus, par sa force de frappe. Mille fragments d’acier sont venus transpercer ma vie pour la défigurer, détourner mon image. Je n’étais pas soldat, je le suis devenue. En une fraction de seconde, j’ai changé de visage. Contre la catastrophe et l’invasion, l’illusion s’est imposée, mon regard s’est voilé. Opacifié.

Ça m’est tombé dessus, comme ça, d’un coup. Au hasard, sans doute. Carence ou absence de chance. D’étoiles filantes, de bonnes fées. A moins que je ne sois maudite, disgraciée par les cieux pour ma mauvaise conduite. Je n’ai pas de réponse, n’en aurai jamais. Il y a eu un avant, il y aura un après. Une première vie, débordante de soleil, de certitudes et d’insolence. Puis le revers, l’envers de la médaille : la nuit et ses désillusions, mes défaillances. A première vue, ça ressemble à l’enfer. A première vue seulement, ça prend la forme d’éternels hivers, de mort sans fin ni lendemain.

Ça m’est tombé dessus, comme ça, d’un coup. Une sentence, un verbe fou, juché trop haut, jugé trop bas. Encombré d’un vide suicidaire, voulant se dissocier de son sujet, complémentaire. L’effondrement a donc eu lieu. Je suis tombée comme tombent les barrières. Et privée de cloisons, de barricades, je me suis écroulée. Il me faudra rebâtir autrement. Sur une terre traumatisée, sur les gravats, sous l’ardoise des toits. Sans l’omniprésence du soleil, entre l’éclat des pierres et la chaleur du bois. En attendant mes yeux se salent, ma gorge s’irrite, mon corps flambe, s’indigne. Contraint de se défaire de vaines croyances, de vieux mirages et de quelques vanités, mises en cage.

C’est tombé sur moi, sur ma tête, dans mon esprit. Ça n’était pas prévu, ne faisait pas partie du plan. Mon élan s’est brisé, j’ai l’herbe coupée sous le pied. Plus de projet possible, lorsque la nuit maline, saline, recouvre tout. Que le désastre se pend solidement aux astres, s’y balance, m’y nargue.

*

Enclose dans une histoire sans parole ni mémoire, je pleure en silence. Et je me bats, fais la courte échelle à mon âme. En repère l’architecture, en recherche l’issue, l’azur. Ses fruits tous juste mûrs. Mais dans le tréfonds de ma conscience, c’est la lumière qui œuvre. Elle a foncé, s’est rétractée, ne me réserve plus que quelques unes de ses ondulations, de ses variations. Je la découvre toute entière concentrée dans cette veilleuse d’église. Lampe allumée, rouge-sacré, discrète et réservée. Bien loin d’éblouir ou d’embraser.

Ça m’est tombé dessus, comme ça, d’un coup. Ça n’est plus un problème. Le pire est maintenant trans-muet. Et si la menace reste présente, la vie, secourable, n’en finit pas de s’ouvrir. Fracassante et dynamique, circulante. Qui me fonde sans me confondre. Je ne me plante plus, je m’enracine, ne devine plus rien du chemin qui se dessine. Mais j’abandonne, désormais, ce qui ne tient pas droit. Ce qui n’est pas souple, pas digne. Mon cœur s’est reconfiguré. Raccommodé, il se dévoile. Me divulgue comment prendre soin, porter souci et attention. Il maintient le lien, se ressource, me pacifie.

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