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14 octobre 2016

L'Odysséa, par Louis Portejoie

Piste d'écriture: piocher, parmi les cartes contes du jeu Il était une fois, personnages,  lieux, évènements, objets, aspects, et 2 phrases de fin (dont on peut ne garder qu'une). Voilà, vous avez les éléments de votre conte, à vous de les faire vivre !
Louis a rencontré dans ses voiles : 
 Dans une époque difficile, un serpent de mer, une ferme, un pont levis un coffre-fort, un monstre, un démon, triste.

 L'ODYSSEA

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Il était une fois une jeune et jolie petite fille qui se prénommait Ulyssea. Comme vous l'avez sans doute remarqué, cher lecteur, il s'agit bien en effet de la fille d'Ulysse, dont personne jusqu'ici n'avait jamais parlé, et dont personne ne soupçonnait même l’existence.

Comme son père, dans une époque difficile, elle avait des envies de voyages… Elle était envahie de réminiscences anticipées de tempêtes majestueuses au plus profond des océans.

Comme son père, elle s'était fait attacher sur le mât du navire, non pour résister aux chants des sirènes, car c'était une fille, mais plutôt pour ne pas céder aux promesses énamourées d'un serpent de mer qui lui répétait à l'envie qu'elle était la plus belle, et qui lui offrait des perles récoltées dans les huîtres qui se cachaient dans les rochers et que lui seul savait dénicher.

Ulyssea refusa d’abord poliment les avances de son prétendant ; mais l'abondance des colliers de perles nacrées lui fit perdre la tête et, lorsque le serpent de mer lui offrit une jolie pomme toute rouge, brillant de mille feux, elle ne put résister et croqua à belles dents le fruit (non défendu, ça c'est une autre histoire), mais dangereux, quoique succulent. Car dès que la belle Ulyssea eut goûté à la pomme, les liens qui la retenaient prisonnière se détendirent et elle plongea dans les abîmes, à cheval sur le serpent de mer qui lui présenta toute sa famille : des huîtres, des oursins, des requins, des poissons multicolores.

Ulyssea ne tarda pas à se faire des amis et sa beauté, son innocence, sa candeur, sa pureté, séduisirent les habitants des fonds marins, à tel point qu'ils décidèrent d'en faire une reine. Avec elle, ils s’établirent sur une île où poussaient à profusion des fruits de toutes sortes et surtout des pommes, dont le goût inégalé la ravissait chaque jour un peu plus, et bien moins que le lendemain !

En ce lieu, la reine et ses prétendants se réunirent tous les jours : on abattit des arbres et on construisit une ferme pour y élever les cochons, mais pas n'importe lesquels. La déesse Circé avait transformé d'un coup de baguette magique les compagnons d'infortune du père d’Ulyssea, le divin Ulysse, en autant de porcs bien dodus, et il faut reconnaître que leur chair finement rôtie pendant de longues heures, était un véritable délice avec des subtils parfums d'humanité. Cela déclencha progressivement la jalousie des habitants des îles aux alentours.

Ce n'est qu’après avoir constaté plusieurs larcins de nourriture et plusieurs vols d’huîtres perlières qu'on se décida à construire un pont levis, qui devait éloigner de l’Île tous les bandits attirés par la multiplicité des colliers de perles que le serpent de mer offrait chaque jour à sa bien-aimée, et les délicieux parfums de viande rôtie.

Puis on décida d'ériger un mur tout autour d l’île. Le nouveau gouverneur, un certain Johnny Trump, vérifia lui-même la solidité de la construction et ordonna qu'on surélève encore le mur d'une dizaine de mètres, sur toute sa longueur. Des coffres forts furent enfouis sous la terre, emplis de perles d'une pureté sans égale, on ferma les portes, on verrouilla les issues, on s'enferma avec les cochons et les autres animaux, on rassembla les huîtres perlières dans un enclos et une armée de requins surveilla le site jour et nuit.

Ulyssea aurait dû couler des jours heureux sur cette île paradisiaque, quelle jeune fille n'eût pas été conquise par cette vie de rêve ! Chaque jour elle trouvait une corbeille de fruits de toutes sortes et surtout, elle croquait avec plaisir les pommes que lui offrait le serpent de mer, son amoureux, qui la couvrait de colliers de perles chaque jour plus majestueux, plus riches, plus scintillants.

Quel bonheur, quelle félicité ! La belle Ulyssea en oubliait le but de son voyage ! Et oui, souvenez-vous-en bien, cher lecteur ! La belle Ulyssea fendait les mers du globe pour retrouver sa terre d’Ithaque, et pour confondre les belles créatures qui tournaient sans cesse, comme des mouches, autour de son mari, le beau Penelopus ! Lequel avait promis d’épouser l'une d'entre elles quand il aurait terminé la réparation de sa Harley Davidson, qu'il s’ingéniait à remettre en panne chaque nuit en enlevant ici une durite, là un injecteur, ou encore une bougie ! Et qu'il s’évertuait à réparer le jour, sous les yeux avides des créatures de rêve, déjà emblousonnées d'un aigle sur le dos sur leur peau nue mais qui, Dieu merci, ne connaissaient rien à la mécanique, se contentant de prêter l'oreille à chaque coup de démarreur qui ne démarrait jamais!

La belle Ulyssea, qui avait oublié que l’île paradisiaque n’était pas le but du voyage, marchait tristement, en boitillant sous le poids des colliers de perles qui faisaient resplendir son teint de jeune fille mais qui lui lacéraient le cou, les épaules, le dos. De temps à autre lui revenaient des bouffées de mémoire. Le visage de son bien aimé Penelopus lui apparaissait ainsi entre deux éclats de lumière nacrée, mais le goût finement sucré de la pomme quotidienne et les délices de ses parfums l'enivraient…

Cependant les dieux, s'ils aiment taquiner les humains, ne les laissent pourtant pas dans la détresse. La déesse Athéna se transforma en démon pour passer inaperçue entre les serpents de mer, et introduisit dans les pommes des pesticides : ce jour-là, la belle Ulyssea fit une horrible grimace et recracha violemment le quartier de pomme qu’elle croyait savourer avec délices. La déesse Athéna lui avait ouvert les yeux ! Elle comprit ainsi que son hôte avait été un monstre depuis le début, et elle voulut s'enfuir mais les colliers de perles alourdissaient sa marche. Alors elle tenta de les enlever mais ils s’étaient incrustés dans sa peau… Heureusement, elle n’était pas fille du rusé Ulysse pour rien. Elle convoqua toutes les huîtres perlières qui la délivrèrent, bien contentes de récupérer ce qu'on leur avait volé.

La belle Ulyssea se sentit dès lors plus légère et la déesse Athéna l'enleva de ses ailes, la remettant sur sa route.

La jeune-fille comprit alors les paroles de l'oracle de Delphes, qui parlait de ces voyageurs qui coulent des jours heureux dans une auberge, et qui oublient entre les bras de l’hôtesse que l'auberge n'est pas le but du voyage !

Louis Portejoie
Illustration empruntée au site: http://www.maxisciences.com. Voici le lien, si vous souhaitez apprendre comment les huîtres fabriquent réellement leurs perles...

 

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