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21 décembre 2016

Le champ de Schrödinger, par Prisca

chat-schrodinger

Imaginer un monde... et comment on y vit?.

Une paupière s’ouvre. Bali dans sa couchette bâille, se gratte le nez. Son chat passe devant lui en miaulant les quatre pattes en l’air. Bali soupire : la gravité artificielle est encore en panne. Il ouvre la deuxième paupière, puis détache sa sangle pour flotter mollement parmi tous ses vêtements sales qui originellement trainaient au sol.

Sa brosse à dents électrique, modèle vingtième siècle, passe à portée de sa main, des morceaux de repas de la veille sensés être dans la poubelle, font du tourisme dans sa capsule.

Bref, la gravité est en rade.

« Baliiiiiiiiii » entend-il dans l’interphone. Les voilà ceux–là, ponctuels comme les antiques horloges atomiques terriennes. L’excursion prévue par ses amis ne l’enchante pas vraiment : le champ de Schrödinger… encore. Il regarde son chat. Il lui dit : « Vaut mieux que tu restes ici ». Le chat, résigné à flotter à l’envers, semble lire dans ses pensées. Il approuve d’un miaou bref : il n’a pas envie de se retrouver dans une boîte, ni mort, ni vivant.

Bali répond à un deuxième appel de l’interphone : « Allez-y, la gravité artificielle a encore lâché. Je vous retrouverai là-bas ». Il rejoint un coin de la capsule pour trifouiller dans les câbles, tout à coup tout retombe violement.

Quinze minutes et un grand bazar plus tard, Bali est dans son véhicule, en route vers le champ de Schrödinger.

Ses amis adorent passer du temps dans cet endroit où tout est permis. Au pied d’un mont rocheux, le champ de Schrödinger est gris immense, avec une multitude de boîtes. Alignées à perte de vue, des grandes, des petites, des carrés, des rondes, des multicolores, des transparentes, il y en a de toutes les sortes. Personne n’est vraiment sûr de leurs origines, ni de la façon dont elles sont arrivées là. On soupçonne Schrödinger de les avoir conçues mais cette théorie est contestée.

Comme à la roulette russe terrienne, quelqu’un entre dans une boîte. Dedans, tu ne sais pas si il est mort ou vivant, solide ou liquide etc. Tous les états sont permis. Ensuite, on ouvre la boîte. La personne sort et c’est la surprise.

Un microcosme quantique dans un univers encore bien déterministe.

La découverte de cet endroit dans les premières conquêtes spatiales de l’espèce humaine avait complètement bouleversé les physiciens quantiques terrien.

Pourtant les Troks comme Bali le connaissaient depuis toujours.

C’était pour eux un immense terrain de jeux. La dernière fois, son ami Rilim était ressorti à l’état gazeux, il avait fallu le mettre en bouteille, et le remettre trois ou quatre fois dans une boîte pour qu’il revienne à son état initial. Ils avaient bien ri, même Rilim.

Ces humains prennent tout au sérieux… La dernière fois, Gelma est ressortie morte. Son copain terrien, Louis, en a fait tout une histoire. Bali ne comprendra jamais cette espèce qui s’autodétruit de bien des façons, mais ne supporte pas la mort. C’est vraiment paradoxal. Surtout dans ce cas où la mort de Gelma avait duré deux minutes, le temps de la replacer dans une boîte vide.

N’importe quoi ! Comment c’est le nom de cette pièce de théâtre terrienne que Gelma affectionne particulièrement ? Ha oui, « Beaucoup de bruit pour rien », ça résume bien les humains. Ce Shakespeare était sûrement un Trok. Beaucoup avaient habité sur terre quelques temps afin de se familiariser avec ces humains incompris dans la galaxie. Schrödinger aussi était un Trok vivant sur terre. Il avait mis beaucoup d’espoir dans la capacité intellectuelle humaine.

A son instar, quelques Trok s’étaient engagés, dans l’espoir de préserver cette espèce et ses cultures primitives.

Les autres membres de l’Entente des Peuples de la Galaxie ne s’en souciaient guère.

Par contre, iIs auraient bien colonisé cette planète avec son eau, son soleil et son oxygène. Enfin pas tous, pas les Glocks allergiques à l’eau et à l’oxygène, et qui prennent les humains pour les attardés de la galaxie

D’ailleurs les humains le leur rendent bien. Ils n’ont jamais vraiment considéré les Glocks, qu’ils assimilent à leurs bactéries terriennes, tant par la forme que par leur système de reproduction.

Finalement Bali arrive sur le champ de Schrödinger. Gelma et Louis, engoncé dans sa combinaison spatiale, se disputent dans un coin. Rilim hilare tente d’ouvrir une boîte où il a enfermé Blassi, le deuxième ouvrage de ses concepteurs. L’ouverture est coincée, la commande ne répond pas. Bali flotte vers lui.

-Mince, s’inquiète Rilim, qu’est-ce que mes concepteurs vont me passer comme savon si je dois la laisser dedans !

Bali sourit. Rilim a encore regardé un de ces films terriens. Il adore utiliser leurs expressions. Il lui répond :

-On va trouver une solution.

Bali retourne vers son véhicule. Il sort un outil de type glock. Ce sont les plus efficaces.

Il revient vers la boîte défectueuse pour coller son outil glock sur la boîte, qui s’ouvre.

Blassi sort…………….dans tous ses états.

Point de départ  l'exposition Résonnances magnétiques, la Panacée de Montpellier, hiver 2016-17, et plus particulièrement une oeuvre de David Haines,

noumenon_ranges

Noumenon Ranges, 2013

Impression sur papier

Noumenon Ranges montre un paysage qui semble réaliste, mais généré par algorithmes et topographié avec des noms venant en partie de la métaphysique du XVIIe siècle (période qui a vu naître l’algorithme, et les descriptions hyper détaillées de la nature par le baroque). [Le noumène est l’objet de l’entendement, correspondant à une intuition non sensible, par opposition au phénomène.]

 

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