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30 septembre 2017

Jumelles, par Florence Chaudoreille

Piste d'écriture: se laisser inspirer par une des photos de Ed van der Elsken, tirées de l'exposition La vie folle

 

elsken Jumelles

Deux sœurs, deux jumelles à n’en pas douter.

Impression d’intimité dérangeante, et sentiment que ce n’est pas une situation de tout repos.

L’une est plus ronde, plus introvertie, plus inquiète, cheveux longs.

L’autre semble plus effrontée, plus dans la légèreté, cheveux mi-longs.

Toujours se coltiner un être en double, ce n’est pas rien.

Aucune des deux ne se retrouve jamais seule. Mais c’est bien ce qui est pesant.

Être toujours en lien. Toujours envisager l’autre, toujours se voir dans le regard de son double.

Ne jamais pouvoir s’echapper, ne jamais sortir des radars.

Avoir dit adieu au n’importe quoi, sans avoir jamais pu y goûter.

Toujours être vue, ou si ce n’est vue, ressentie à distance.

Étouffant, bloquant, usant.

L’une se cache et de protège, essayant de préserver un semblant d’intimité.

De face, elle utilise des bracelets comme écran envers la réalité.

L’autre est prête à toute les audaces, pour échapper au cocon.

De trois-quarts, elle a plus de ressources pour jouer de sa gémellité, sans s’y perdre.

Mais quand donc cesseront-elle de s’habiller avec les mêmes vêtements, même si les habits ne tombent pas pareils sur chacune d’elles ?

Quand donc desassortiront-elles leur couleur de rouge à lèvres ?

Et elles pourraient chacune changer d’entourage, et de lieux à fréquenter. Y pensent-elles seulement ? Elles en semblent si loin. Soudées, collées. Limitées à de micro-différenciations.

Et pourtant, ce serait indispensable, pour éviter le drame.

Le drame de croire qu’il est possible d’échapper à la solitude, vertigineuse, abrupte, radicale, mais fondamentalement saine, franche et nette.

La solitude humaine. Qui fait que l’on avance dans un magma de sensations, de sentiments, d’états non identifiés, de désirs inavoués, de peurs dissimulées. Un magma pesant, mais fertile, qu’il est possible d’apprivoiser. Mais toujours uniquement seul. Tant ce qui ne peut être dit, ne peut être partagé occupe une place importante en chacun, et un poids pouvant aller jusqu’à l’insoutenable. L’épaisseur de l’être.

C’est ce partage de l’impartageable à l’intérieur d’un couple de jumeaux, et le fait qu’ils fassent l’économie de la solitude, qui attire et qui repousse à la fois.

 

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Commentaires
B
Très beau texte abordant "sur image" les problèmes de la gémellité ; les deux derniers paragraphes ont une dimension plus générale : "solitude" et "impartageabilité". Mais n'est-ce pas la fonction même d'un 'atelier d'écriture que "partager l'impartageable " ?
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