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18 janvier 2018

Rêve de fringues, par Jean-Claude Boyrie

Rêve de fringues.

 Soldes2

 

Mardi 9 janvier, 20 heures.

 La sonnerie du portable de Léa retentit :

« Léa ? C’est Patrick. T’aurais pas oublié, des fois ? On devait sortir ensemble. J’attends ton appel et je passe te prendre.

- Me prendre ? Et pour aller où ? Tu rêves, ou quoi ?

- Non, j’rêve pas, on s’était rancardés pour ce soir.

- Ce soir ? Première nouvelle ! On avait dit ça ?

- Pas plus tard qu’hier lundi, enfin dans ces eaux-là. J’suis pas teubé, tout de même.

- Où étions-nous censés aller ?

- Au Rach‘dingue, bien sûr, pas à une soirée Superwhere !

- Mouais, c’est très beau tout ça, sauf que pour moi, ce soir, ça va pas du tout. Because to morrow morning, je me lève aux aurores.

- Pour le taf ?

- Pas franchement. Je viens de poser une A.R.T.T.

- Donc, ça t’empêche pas de faire la teuf !

- Justement si. Trouve quelqu’un d’autre !

- À l’heure qu’il est ?

- C’est toi qui vois. Tu peux toujours tenter le coup avec Stéphanie. Une couche-tard, celle-là !

- Mais Steph’, enfin, tu déconnes, c’est une gamine !

- À dix huit ans, elle est devenue une meuf.

- Sûr ? J’avais pas remarqué.

- Les keums, ça voit rien, ça sait rien. Toi, par exemple, avec ton costume à paillettes et ta Harley-Davidson, tu fais dragueur de sous-préfecture. Ça te donne un look ringard de chez ringard.

- On a tous en nous quelque chose de Johnny, c’est Macron qui l’a dit.

- S’il l’a dit, c’est que c’est vrai. Johnny, c’est un attrape -coeur infaillible. Alors, t’as ta chance avec Steph’... à condition bien sûr qu’elle soit disponible. Allez, bonne nuit, Patrick ! Fais de beaux rêves. Avec ou sans elle. Bisoussss.

 

Même jour, 20 h 15.

 « Allô Steph’, c’est Patrick. J’te dérange pas ?

- Un peu. Là, tu vois, j’ai pas trop l’temps. Mais dis toujours...

- Des fois, tu serais-pas libre pour m’accompagner au Rach’dingue ?

- Là, tout de suite ? Impossible ! Je sors juste du bureau, voilà que je tombe dans un embouteillage incroyable ! Pas moyen de circuler, ni de stationner. Je broie du noir, carrément.

- Pas la peine de rentrer chez toi, reste où t’es, garde le portable allumé. J’te prends au passage en moto, puis on sort en boîte ensemble.

- C’est juste que je rentrais pas chez moi. [ Radioguidage : au rond-point, prenez la deuxième à droite. Tournez à droite ]. Oui, mon G.P.S. est réglé sur le Polypode.

- Le Polypode ? Et pour faire quoi ? Les boutiques vont bientôt fermer, si ce n’est déjà fait.

- Justement ! Je prends de l’avance pour demain. Non, Patrick, je suis vraiment désolée, mais le Rach’dingue, ce sera pour une autre fois. »

[ Bruit de fond : le G.P.S. ânonne : Vous ê-tes ar-ri-vée à des-ti-na-tion.] »

 

Voix off du smartphone, avec l’appli #Polypode.com

« Soyez branché, stylé, liké… La gamme masculine est tendance, avec l’indémodable caban, la veste en jean, qui peut se porter aussi bien qu’un costume-cravate. L’idée est de mixer les pièces entre elles…. Il faut twister les pièces, surfer sur les nouvelles matières….le détail infime d’une coupe, une épaule qui remonte d’un centimètre font la différence. »

« Chez Gérard, on trouve des chaussures tendance à prix cassés, dessus cuir personnalisé, peau sublimée à la main, suivant les coutures et les reliefs, diverses nuances bois de rose, blue lagoon ou marron cohiba. » 

« Nuit marine, nuit câline, chiné, ciel... Aux Galeries Farfouillette, on trouve tous les bleus de l’âme et de la nature, ainsi que toute une gamme de tons granite, menthe et curry. Pour les audacieuses, les chemisiers en denim se portent négligemment dégrafés sur un soutien-gorge pigeonnant. Cet article se décline en cinquante nuances de gris. Le pull cachemire à col V, châle ou cardigan, se décline aux quatre couleurs d’automne…. à prix doux. »

« Séduction sur mesure… offrez-vous un rouge à lèvres personnalisé, assorti à votre pull en cachemire ou votre sac à main, dans un étui de cuir à vos initiales. »

 

Même jour, 23 heures.

«  Steph’ ? Ici Léa. Tu dors pas, au moins ?

- Dormir, moi ? Tu parles ! Bien trop excitée pour ça.

- T’es où et tu fais quoi ?

- J’attends dans ma voiture, à l’arrêt.

- Mouais, j’t’envie pas. Avec le froid qu’il fait, tu dois trouver le temps long !

- En m’enveloppant dans un plaid, je maintiens la température et j’arrive à somnoler. De temps en temps, je relance le moteur pour mettre un peu de chauffage. Et toi, t’y vas comment, au Polypode ?

- Eh bien, à pinces, qu’est-ce que tu crois ?

- C’est vrai qu’t’habites pas loin, toi.

- Cinq cent mètres à faire. J’ai juste le souci de mettre le réveil, m’habiller en vitesse, pour être sur place avant huit heures. Enfin, sous la galerie, il fait bon chaud. Épitucé, on offre aux premiers arrivants café et croissants.

- J’en salive par avance ! Fais de beaux rêves, Léa ! J’te rejoins demain matin

 

Mercredi 20 janvier, 7 heures 30.

 Nuit noire. À part le bruit de la pluie qui tombe, un silence oppressant. Le smartphone de Steph’ est toujours en veille. Un plop annonce à Léa l’arrivée d’un nouveau message.

«  C’est Steph’. T’es où, Léa ?

- Sur l’escalator du Polypode. On se fait bousculer, tout le monde est sur les starting-blocks. Et toi ?

- Je suis sur le palier, premier niveau.

- T’as pris une longueur d’avance sur moi.

- Ça veut dire quoi ? Y’a justement plus moyen d’avancer !

- Courage, Steph’ ! On y arrive. Tiens! J’aperçois le pull mohair corail, dont je suis tombée raide dingue en faisant mes repérages. J’ai tout de suite craqué pour cet article.

- T’aurais pu l’acheter avant sur internet. Ou encore hier, aux ventes privées.

- Oui, mais j’avais pas le temps… ni la carte du magasin, d’ailleurs.

- Ça se prend en un instant. Enfin, c’est pas grave, aujourd’hui, ils affichent ton pull à – 50.

- Encore faut-il qu’il en reste en taille M. Et puis, moins cinquante, ça veut dire quoi ? Moitié satisfait, moitié déçus ? C’est l’histoire du verre à moitié vide, à moitié plein.

- Keep cool ! On ne peut pas avoir à la fois l’article dont on rêve, le coloris qu’on veut et la bonne pointure, ce serait trop beau. T’inquiète, un article en laine, c’est extensible !

- Ça y est ! Maintenant, ma grande, on va pouvoir juger sur pièces : ils ouvrent ! »

 

Même jour, huit heures.

 Les deux copines se font de grands signes. Grincement des grilles qu’on déverrouille. Les plus pressé(e)s ou les plus fluet(te)s tentent de se faufiler sous les rideaux métalliques en train de se lever. Puis, c’est le grand rush. L’atmosphère fleure bon le café chaud qu’on sert aux premiers clients.

« I’ve done a dream »….

À présent, le rêve s’est fait réalité : les soldes, c’est fou !!!

 Soldes3

Piste d’écriture : le rêve. Photos de l’auteur. Extraits de pube rédactionnelle tirés d’Express Styles.

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