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17 mars 2023

Charly et le demi cocker, par Bernard Delzons

À partir d’un texte de Virginia Woolf racontant la cohabitation d’une poétesse et de son chien, j’ai imaginé le texte ci-dessous en me remémorant les aventures du chien de mes grands-parents :

 Au décès de sa grand-mère, Charly avait décidé de prendre son chien avec lui. C’était un affreux bâtard, noir et blanc que son oncle avait acquis pour remplacer une jolie chienne cocker morte dans un accident. Le chiot était adorable, mais en grandissant, il était devenu évident que ce ne serait pas un chien de grande lignée. D’abord baptisé, « Ticko », le malheureux avait vite était renommé Toto. L’oncle s’était rapidement rendu compte que promener cet animal au tour de ville, lui apporterait plus de raillerie qu’autre chose. Aussi il avait fini par le laisser à ses parents, les grands parents de Charly.

Charly aimait bien ce chien, aussi, il avait décidé de le prendre avec lui. Mais ce serait un grand changement pour eux deux. Charly habitait au centre de Toulouse, une très grande ville par rapport à Cajarc où vivait sa grand-mère.

 

Le voyage jusqu’à la ville rose s’était bien passé, avec une petite escale ici ou là pour satisfaire leurs petits besoins. Toto avait tout de suite été émoustillé par les bonnes odeurs de campagne qui lui rappelaient la maison où il passait les mois d’été. Au premier arrêt, Charly crut que le chien, parti en courant respirer les senteurs des herbes folles, mélangées à celle laissées par quelques lièvres sortis en goguette, ne reviendrait pas.

Le lascar avait en réalité perçu une présence féminine alentour. Il s’était aussitôt aventuré plus loin pour découvrir qui était cette beauté. Elle avait fière allure, bien que, sans doute, elle ne soit pas plus racée que lui. Il s’approcha et commença à lui tourner autour. C’était son moment pensa-t-il, oubliant son maître et le voyage. Il était sur le point de conclure quand un autre chien deux fois plus gros que lui arriva. Il comprit en un instant que la partie était perdue, aussi, il se résigna à se retirer d’autant qu’il se rappelait l’état lamentable dans lequel il était rentré l’été précédent après avoir persévéré un peu trop longtemps.

Le jeune homme l’avait appelé longuement sans succès. Il s’était assis près d’un arbre, et l’odeur de serpolet et de champignons mêlée, lui fit penser à la bonne cuisine de sa grand-mère. Finalement le chien était revenu, les oreilles basses et la queue entre les pattes Aussi à l’arrêt suivant, Charly lui avait mis la laisse.

 

Charly habitait un petit studio, pas loin de la faculté de lettres. C’était au quatrième sans ascenseur. Il fallut tirer, puis pousser pour faire avancer le récalcitrant qui n’avait jamais eu à gravir plus de trois ou quatre marches à la fois. Enfin arrivé, Toto fit immédiatement le tour du propriétaire, renifla le couffin que lui avait préparé le garçon pour mieux l’ignorer dédaigneusement, préférant de beaucoup le lit ouvert avec les odeurs du jeune homme. Le chien restait perplexe, car il avait aussi senti un effluve qu’il ne connaissait pas !  

La promenade en ville qui suivit fut périlleuse, tant il y avait de voitures qui effrayaient notre nouveau citadin. Là encore, il fallut tirer pousser ou même parfois porter. Mais au moins le retour à la maison et la montée des escaliers se déroulèrent sans difficulté.

Il était tard, Toto refusa d’avaler les croquettes qu’on lui servait, se souvenant de la soupe au chou que lui préparait la vielle dame. Quand Charly voulut se coucher, il dut déloger le chien et le ramener dans le couffin. Finalement ce fut qu’après qu’il lui eut jeté le tee-shirt qu’il avait porté ce jour-là, que le vilain cocker consentit à rester dans son panier.

 

Il faisait à peine jour quand Toto commença à frétiller. Charly protesta, lui demanda de se coucher, en vain, alors il se leva de mauvaise humeur, aussitôt accueilli par des « lècheries » affectueuses. Il prépara son café mais il ne put le boire tant le chien manifestait son besoin de sortir. La rue était plus calme que le soir, aussi la sortie se passa sans encombre. Passant devant une boulangerie, le jeune homme acheta deux croissants avant de rentrer chez lui, avec le sourire, cette fois.

Moins effrayé que la veille, notre cocker se laissa aller à respirer les odeurs de la ville. Mais hélas, les odeurs d’essence couvraient tout le reste, et il ne put discerner s’il y avait une potentielle copine dans les environs.

Dans le petit couloir qui amenait au séjour Le chien reconnut l’odeur qui l’avait intrigué sur le lit de son nouveau maître. Cela venait d’un pull gris foncé. Charly avala ses croissants, lui en donna un morceau que Toto alla manger sur le couffin qu’il avait fini par adopter.

Le jeune homme réfléchissait, pensant qu’un étudiant de son niveau ne pouvait pas avoir un chien qui s’appelait « Toto ». Il décida de lui changer son nom. Il essaya plusieurs appellations, mais Monsieur (c’est l’appellation qu’employait la femme de ménage de sa grand-mère pour annoncer que le chien avait fait une bêtise), Monsieur donc ne levait même pas la tête… Charly se rappela la tête de sa mamie quand la femme était venue lui annoncer que Monsieur avait pissé dans le salon…

Lui-même essaya « Tiki, Kamon, Persy, Doggy », rien n’y fit. Mais il n’eut pas plutôt prononcé « Toto » que le chien était à ses pieds. C’est désespérant pensa-t-il, on verrait plus tard.

 

Il venait de terminer la vaisselle quand on sonna. Le cocker se mit à japper en guise de bienvenue. Charly alla ouvrir, suivi par son nouveau compagnon. Dès que la porte s’ouvrit, le chien reconnut l’odeur qu’il avait identifiée dans les draps de son maître. Pourtant ce n’était pas tout à fait la même chose, Il reconnut une autre senteur, un parfum que portait une dame qui venait soigner la grand-mère. Il s’avança pour vérifier, mais ce n’était pas elle. C’était une jeune femme, très jolie, mais s’il avait pu parler, il aurait ajouté « Casse-couilles ». Celle-là ne serait pas son amie.

Charly fit les présentations. Quand la jeune femme entendit le nom de « Toto », elle éclata de rire ; de son côté, quand le chien entendit le nom de « Clarinette » (le surnom affectueux que lui donnait Charly), il se mit à aboyer et il alla se réfugier sur le lit de son maître.

 

Il les observait, on s’embrassait, on se caressait, on recommençait, c’était intolérable. Quand il les vit s’approcher du lit, il décida qu’il fallait agir. Il se précipita et sauta sur Charly comme s’il voulait jouer, puis il tira sur le bas de son pantalon pour lui montrer la porte. La fille émit des sons peu aimables et Toto comprit pourquoi son maître l’appelait « Clarinette ». Charly jugea qu’il fallait le sortir pour éviter une inondation ou pire dans son séjour. Furieuse, la jeune femme les avait suivis, mais pas plutôt dans la rue, elle lança un « Salut », pas charmant du tout, à son homme qui voulait dire : « Il faudra choisir, ce sera moi ou lui ! » Une fois seul avec son maître, notre chien oublia pourquoi il avait tant besoin de sortir.

 

Quelques semaines plus tard, Charly se sépara de « Clarinette », mais il trouva une autre compagne qui adorait les chiens. Elle adopta aussitôt Toto. Elle s’en occupait comme son propre enfant, si bien que Charly commença même à être jaloux !

 

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