Exils, par Ariane LOEB
Exils
—
Allons-nous en, dit-il.
Elle
esquisse un pas de danse, sa robe de tulle blanc s’arrondit sous sa taille
fine. Elle ne semble pas entendre.
—
Viens ma chérie il faut partir.
—
Mais pourquoi ?
—
Il le faut.
—
On est si bien ici. Les roses vont bientôt fleurir je les arrosées j’ai pris
tant de soin…
—
Il est déjà trop tard, partons !
—
Pourquoi donc… ?
—
Je te dirai, je te dirai…
La
jeune femme tournait autour des rosiers d’un pas léger et les contemplait avec
ravissement.
—
Je ne peux pas quitter notre jardin, je l’aime trop ! Regarde comme il est
beau !
Il
a un léger soupir.
—
Tu entends le son du violoncelle ? dit-elle encore. Comme c’est beau !
C’étaient
au loin des éclats de voix âpres claquements de bottes qui battaient le
pavé. L’homme frémit. Il fallait fuir.
—
Viens je t’en supplie, nous n’avons plus le temps.
—
Les bagages ne sont pas faits.
—
Cela ne fait rien.
—
Je ne veux pas partir ! J’en ai assez de partir ! Je reste.
Elle
croise les bras dans une attitude déterminée.
—
C’est impossible, tu le sais bien !
Elle
fait la moue.
—
Je ne te laisserai pas.
—
Recommencer, toujours recommencer, soupire-t-elle… Où irons-nous ?
—
Nous trouverons.
Il
la prend par la main, elle se dégage.
—
Je veux savoir au moins… dis-moi !
—
Ce serait trop long maintenant.
—
L’oiseau est mort… Regarde, c’était un rouge-gorge, il venait tous les jours
voleter à ma fenêtre.
—
Viens Sarah, tu vois bien…
Elle
lève les yeux vers son époux, intriguée.
—
Nous n’avons pas le choix.
Il
l’enlace par la taille et l’entraîne, elle se serre contre lui tremblante.
(juin 2008)