Regarde cette place je trouve ce lieu enchanteur, nous
pourrions y consommer, dit-elle en le tirant par la manche. Oui tu as
raison ! Il la suit et lorsqu’elle s’engage au milieu des tables il se met à
opiner de la tête en suggérant, mais je préfère ce coin un peu isolé à coté du
magnolia. Elle connaît la raison de sa proposition : il veut s’éloigner de la
fontaine où des enfants sont assis sur le rebord de la vasque octogonale, elle
ne reviendra pas sur le sujet épineux qu’il n’ait jamais voulu être père. Elle lui répond
d’un ton neutre : Ah, oui ces enfants
qui jouent à tremper les pieds dans l’eau !? Une bonne chose, ils ne vont pas
rester longtemps dit-il, car il a remarqué un adulte sur le départ les bras
chargés de vêtements. Il tire la chaise pour la faire asseoir et ne soupçonne
pas que sa décision à réveillé en elle un regret. Le clapotis me rappelle le
moulin, souligne-t-elle. Tu sais il m’a manqué parfois. Te souviens-tu des
histoires, que je te racontais ? J’étais toujours l’héroïne qui cherchais et
trouvais un trésor de pièces d’or; il y avait tellement de recoins. Il lui
prend la main puis éclate de rire : Je me souviens de mon immersion dans la
rivière pour retrouver la bague que je tu y avais jetée ! Elle pousse hors de
la table avec un geste vif une feuille tombée : J’étais en colère ! Puis à son tour prise d’un fou rire : Tu es
ressorti de l’eau avec l’anneau entre les dents tout en imitant le cri du
phoque. Il fronce les sourcils : Oui mais je peux te dire que je n’en menais
pas large, j’avais très peur de te perdre, il était impératif pour moi de
retrouver la bague et ton amour. Elle tourne son regard vers la fontaine, l’eau
claire en miroir s’est teintée aux couleurs du ciel où flottent des pétales
roses échappés des arbres fleuris. Elle repense aux minuscules nénuphars sur
l’étang avec son moulin du XVIème siècle, il avait un charme fou. D’un geste
tendre il lui prend le menton pour qu’elle tourne la tête vers lui et son
visage s’éclaire d’un sourire : j’ai compris tu veux y retourner ! Oui… et…
non… répond-elle, dans ses yeux passe une ombre au reflet de ses pensées, elle
ne peut lui dire que les années sont passées avec les illusions, qu’elle avait
toujours voulu se persuader d’avoir résolu son désir d’enfant, pourtant… ils
auraient emmené Il ou ELLE, au moulin pour chercher ensemble le trésor, elle
aurait fait briller la petite flamme complice. Elle tourne alors de nouveau la tête vers la vasque silencieuse de cris
où maintenant les oiseaux sont venus se désaltérer indifférents aux gens assis
autour des tables ; et lui, la regarde sans arrière pensée.