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17 septembre 2009

"Joi" Cobla II: "Terre occitane", par Jean-Claude BOYRIE

«JOÌ »

(Cansò)

 

Cobla .ii. (segonda) :

Terra occitana.
Per lou cers soun toteurada /

Je suis par le cers torturée,

Negro de sang, rouge de vi /

noire de sang, rouge du vin.

D'embrums per lo vent de la mar remoullino /                                        D'embruns par vent de mer fouettée,

Flairi bou lo romarin /

Je fleure bon le romarin.

Sur iéou, terra d'Occitania / 

Sur moi, terre d'Occitanie,

amadeuront amellos, rasins /

mûrissent amandes, raisins

Soun anaigado et aounido /

Je suis convoitée et honnie.

Pats a las cendros de los Patarins /

Paix aux cendres des Patarins (1).

Adaptation occitane de Catherine Busquet

 Lorsqu'elle m'a dit son nom : « Péreille », cela a fait comme un déclic dans mon cerveau.  J'ai tout de suite vu la francisation de notre vieux mot : « Perilhos ». Que voulez-vous, il en est des « roses périlleuses » comme des « sirènes dangereuses ». Je crois bien que cette rose n'est pas sans épines, il faut la prendre avec des gants. Enfin, pour une belle plante, ç'en est une.

  Allegro ma non troppo, l'air de deux airs, j'attaque sous l'angle le plus approprié :

 « Comme ça, vous êtes journaliste ? »
  - Oui, Monsieur, au Réveil du Midi.
  - Dommage. Vous savez, les gens d'ici lisent « l'Irréductible », édition cathare s'entend. vous n'avez qu'à vous servir au bar, le journal est disponible au bar en libre-service.

[ Là, j'ai juste voulu la taquiner. Une façon comme une autre d'entrer en matière. Elle me répond du tac au tac : ]
  - « L'Irréductible » ou « Le Réveil », pour moi, c'est du pareil au même, depuis que notre groupe à racheté le titre dont vous parlez (2).

[ Et pan sur le bec ! Match nul, un partout. Mieux vaut siffler la mi-temps ]
  - Accepteriez-vous une anisette ?

[ Sans attendre son approbation, je verse dans son verre deux mesures d'eau fraîche pour une de liqueur visqueuse. Elle se trouble aussitôt - l'anisette, pas elle : ]
  - Non merci, par cette chaleur, je préfère
l'aqua simplex.
[ Elle sait ce qu'elle veut, la drolesse ! Je lui trouve un charme indéfinissable: ]
  - Madame Péreille, reprends-je (essayant de l'amadouer), votre nom me dit quelque chose. L'autre jour, je suis tombé par hasard sur un article signé de vous....
  - Ah ? Qu'en avez-vous pensé ?
  - Que du bien ! En tous cas, je n'ai pas relevé de faute d'orthographe.
  - Encore heureux ! Ce mis à part ?

 [ Je me mords la langue, bafouille lamentablement. Ce n'est pourtant pas mon habitude. Voyez-vous, je ne sais pas comment m'y prendre avec cette femme de la ville. Une journaliste, qui plus est. Autant vous dire, j'entretiens une méfiance viscérale envers ces gens-là. En ai-je assez vu, qui foulent nos plate-bandes avec leurs gros souliers, prennent deux ou trois photos, posent des questions de Béotiens, se sauvent illico sans attendre la réponse !  Le tout pour sortir un bas-de-page débile dans l'édition locale du lendemain. ]
  - Oh, je ne voulais pas vous vexer ! Ce n'est qu'un réflexe de vieil enseignant.... Ne vous formalisez pas, mais dites-moi plutôt ce qui vous conduit en nos murs.
  - Eh bien, je viens me ressourcer en Pays cathare.

[ Le mot est lâché ! Ici, la Presse rivalise avec le Comité du Tourisme pour servir du catharisme à toutes les sauces.  J'ironise : ]
  - Bienvenue à Laroque des Corbières, haut-lieu de l'hérésie ! D'ailleurs, vous n'avez qu'à voir, tout chez nous est cathare. Le saucisson. Le vin. Les plages. A ceci près que les
« Bons hommes » et les  « Bonnes dames » (3) s'abstenaient de toute nourriture animale, ne buvaient pas de vin – plutôt le coupaient largement d'eau – crime de lèse - A.O.C. Fitou. Ils ne s'étalaient pas nus en bord de mer comme des cranquettes molles (4)
[ Loin de se fâcher, l'étrange femme me sourit : ]
  - Je vous rassure, mon projet d'article n'a rien à voir avec les Cathares. Enfin, ne les concerne pas directement : en fait,  je travaille sur la frontière.
  - Que ne vous installez-vous au Perthus ?
[ Là, je joue au paysan du Danube, enfin du fleuve Sordus. Le cours d'eau supposé se jeter jadis à Fount Estramar dans l'étang, aujourd'hui disparu. ]
  - Parce qu'il s'agit de l'ancienne (5). La vôtre !

[ Elle a visé dans le mille, la petite. Pour moi, la frontera, la vraie, l'unique est un sujet mythique.]
  - Vous savez, notre frontière est une vieille dame. Six cent cinquante ans, cela mérite le respect.

  - Je me suis laissé dire que vous la fréquentez assidûment. Vous seriez même intarissable sur le sujet.  [ Pas folle, la guêpe ! Elle connaît mon péché mignon. ]
  - C'est vrai, fais-je d'un ton modeste, je connais bien les lieux. Cette frontière, je l'ai parcourue, arpentée, plutôt cent fois qu'une. Avec q
uelques recherches personnelles à la clef. Parmi les vieux papiers archivés ça et là : cartulaires, livres terriers et compoix (6)
  - Tout cela doit prendre du temps ?
  - Bien sûr, mais je n'en manque pas. En quoi puis-je vous être utile ?
  - Je n'attends pas de vous de longs discours, mais seulement les ingrédients de mon reportage. Des faits, mais aussi des impressions. Du précis et du flou. Du su et du vécu.
  - Tant de choses à la fois ? C'est beaucoup me demander ! En admettant que je vous procure tout cela, qu'en faites -vous ? A quelle sauce allez-vous l'accommoder?
  - Confer le second cahier du « Réveil », page trois, rubrique « recette du jour »: mélanger les composants, lier avec un blanc d'oeuf, lever un entrefilet d'inédit (à réserver pour la bonne bouche). Battre vigoureusement. Cuire à feu doux. Saler, poivrer. Servir tiède.

[ Si comme j'en ai la vague impression, la « rose sans pareille » est en train de me mettre en boîte, elle n'y va pas avec le dos de la cuiller ! Tout comme moi lorsque je brasse l'anisette... ]
  - Buvons à la santé de la Presse et de ses représentants ! m'écriai-je en levant mon verre.

[ Rose ne réagit pas à mon toast. Examine la bouteille avec suspicion. L'étiquette atteste l'origine ibérique du contenu... ]
  - Tiens ! je croyais cette liqueur interdite à l'importation, ça titre combien, ce truc-là ?
  - 37 ° 2 le matin, Gruissan n'est pas très loin d'ici (7).
  - Oups ! Vous voulez vraiment que je m'enfile ça ?
  - Libre à vous de préférer l'eau pure. Je bois à la santé du roi de France!
  - Et zut au roi d'Aragon, qui nous inonde d'alcool frelaté !

[  Un ange passe. Je redoute la panne (de conversation). Rose possède une dialectique redoutable, elle me fait perdre mes moyens. Plus jeune, j'aurais cherché le point G. Je me serais même emballé cette fille, vite fait, bien fait. Mais, le temps passant... bon... je consulte ma montre et lâche : ]
  - Déjà midi trois quarts, l'heure folle! là, il faut vraiment que j'y aille !
[ Une façon de parler pour s'éclipser, je ne vois pas l'intérêt de préciser où. D'ailleurs, elle s'en fiche, de ce que je vais faire. La sieste, tout simplement.. Serviteur ! ]

(à suivre....)

Oc

Notes et commentaires :

  1. Terme péjoratif désignant les Cathares (au XIIème. siècle).

  2. Allusion au rachat de l'Indépendant par les Presses du Midi.

  3. C'est-à-dire les Parfait(e)s.

  4. Allusion à la mue des crabes, qui se retrouvent sans carapace en bord de mer.

  5. Celle du Traité de Corbeil, conclu en 1258 entre Louis IX et Jacques 1er d'Aragon.

  6. Formes anciennes du Cadastre.

  7. Le film tiré du roman de Dijan a été tourné aux « chalets » de Gruissan.

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épisode 3

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Commentaires
B
bonjour, <br /> pour les 70ans de mon pere ne a tuchan, cela m'aurait plu de lui lire le poeme Terre occitane en occitan. Accepteriez vous de me le traduire?<br /> <br /> Amicalement <br /> catherine busquet
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