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2 octobre 2009

Chanson douce, par Salamandre

 

 CHANSON DOUCE

 

 Blottie au fond du canapé, la jeune femme a ouvert son corsage, découvert un sein légèrement bronzé. Attentive, elle dirige une petite bouche affamée, caresse doucement la tête blonde. Elle respire doucement, état de bonheur total ; état de la mère qui nourrit son enfant, chaque goutte du breuvage laiteux est une goutte de vie.

 Et moi, à l’autre extrémité du canapé, je l’observe ; elle ne me voit pas, seul le bébé retient son attention. Je suis depuis au moins un mois à la même place, dérangée de temps à autre par quelque nouvel admirateur. Comme son visage a changé ; depuis sa maternité, elle paraît plus douce, plus réfléchie. Elle a fait raccourcir légèrement ses cheveux.

 Je la connais depuis si longtemps cette jeune maman ; j’ai été son jouet, son souffre douleur, son journal intime. J’ai vécu ses folies, ses tristesses, ses projets.

 Elle rêvait de jouer de la guitare ; ce fut l’un de ses plus beaux cadeaux de Noël. Au début, application et désespoir se succédèrent. Les longs cheveux blonds se mêlaient à mes cordes ; elle tapait alors du pied. Placer la main droite, la gauche, attraper les accords ; comme une pianiste, elle fit ses gammes assidument. Ses progrès la calmèrent, lui donnèrent confiance. Elle osa se lancer, improviser, blues, jazz : le summum fut le soir où, les copains assis à croupetons autour d’elle, elle interpréta la musique d’Indiana Jones.

 

 Etudes ni adolescence n’eurent raison de son amour pour moi. A la fois amie et  mère. Ses larmes coulant sur mon corps, étreintes de joie aux résultats d’examens ; tendres mélodies, romances ponctuant des rencontres. Je ne suis jamais restée seule ; j’ai suivi tous les stages, les voyages linguistiques, les séjours mi-éducatifs, mi baba cool. Et puis un jour, elle m’abandonna dans un coin de sa chambre ; des heures de SMS, de mails remplirent ses journées. L’ado était devenue une jeune fille ; un peu triste mais philosophe, je compris que c’était à moi de grandir avec elle.

 

 Un soir, après m’avoir fait une toilette soignée, elle me présenta à un gaillard ; pas mal, le mec. Je frémis de toutes mes cordes ; elle lui fit le grand jeu du talent. Sur le dernier accord, je glissai doucement sur le tapis, fermais les yeux sur un bonheur mitigé d’une douce mélancolie. Je sentais la vieillesse arriver.

 

 ***

 

 Bébé s’est endormi. Doucement, elle le pose dans son berceau ; en revenant dans la pièce, me regarde, me sourit. Mon vieux cœur bat la chamade. Elle se penche, me prend contre elle. Son corsage sent encore la bonne odeur du lait tiède et de l’eau de toilette qu’elle passe sur les petites mains de son poussin après la tétée. Elle effleure mes cordes comme elle a caressé les joues de son petit garçon. Temps calme, temps des souvenirs. Va-t-elle jouer ? Comme à un bébé ; elle fredonne la chanson douce que lui chantait sa maman, en suçant son pouce écoutait en s’endormant

 

 J’étais devenue grand mère.

 

 

 

  

 

 

 

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