Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Ateliers d'écriture et d'accompagnement à Montpellier ou par Zoom
Newsletter
Publicité
Archives
30 novembre 2010

Emia'tej par Jean-Claude.Boyrie

EMIA'TEJ

 

 La pluie faisait luire le macadam gluant et froid.

 Un quidam s'en allait. Il battait le pavé, dame, à regret. Quittant le coeur serré son rendez-vous manqué, solitaire et balourd, il marchait d'un pas lourd.

 Mieux valait pour lui ne pas s'attarder, car il faisait un temps à ne pas mettre un chien dehors. Un chien ? Alors, pensez donc, un humain ! Un chien, ça mord... Pardon, Médor !    

 
On se demande bien qui peut garder un aspect humain avec des fripes détrempées, surtout un pantalon fripé, un complet incomplet parce qu'on a omis, ou qu'on n'a pas mis, son pardessus par dessus ?

 L'homme ne se posait pas la question : en l'absence de solution, ou de réponse à sa question, qu'eût-il fait ? Au fait, pourquoi se creuser ?

 L'homme flippait. Il avait pris ses cliques et ses claques, ses godillots mouillés faisaient « floc » dans les flaques.

 Un lapin, ce n'est rien, ce n'est pas la mer à boire, pas de quoi en faire une histoire. Un lapin, c'est anodin. C'est un pépin, même bénin, qui dure, s'alarme d'obscure fêlure.

 Pas de séparation sans émotion. Sans rébellion, point de fracture. Toute arme cause blessure : qui croit sans larmes la rupture ?

 

 À présent, la pluie s'était arrêtée.

 L'eau des yeux rejoignait l'eau du ciel pour former une mare, un lac où l'on voyait les passants cul par dessus tête, en la brute culbute et du sol et du toit des immeubles cossus qui bordaient la rue. Des arbres s'envoyaient en l'air, la cime à terre, exhibant leurs coquines racines.

 Un lac... ou plutôt un miroir où se reflétait l'obscure silhouette de l'homme s'éloignant, puis ce mot bizarre inscrit sur la chaussée en grosses lettres blanches : EMIA'TEJ.

 Décidément, les sentiments se lisent en verlan....  Le quidam avait pu rêver un court instant que le temps s'inversait. Qu'il lui restait la possibilité de tourner bride et de s'en retourner là d'où il venait. Que le printemps suivrait l'hiver. Que faisant volte-face, il lirait à l'envers ce magique poème en sept lettres : « JE T'AIME ».

EMIATEJ
 

 

 

 

 

Bernard Hermann : « Je t'aime », Nouvelles images 2009.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité