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4 décembre 2010

Les soucoupes volantes, par Yves Martin-Guillou

 Les soucoupes volantes

 

 

 Jérôme ne croyait absolument pas aux soucoupes volantes. Et pourtant....

Ce soir, comme tous les vendredis, il vient de quitter ''La Loutre et le Dragon'', seul estaminet de ce village minuscule de la côte où il exerce depuis vingt cinq ans l'honorable fonction de chef comptable dans l'unique conserverie de la région.

La nuit est d'un noir d'encre. La lanterne du bar n'éclaire qu'un petit cercle du chemin pierreux que Jérôme, en habitué, commence à gravir en direction de la colline. Il n'a pas bu, en tout cas pas plus qu'à son d'habitude, c'est à dire de façon lente et mesurée, fumant sa pipe dans un coin, sans se mêler aux conversations. Il le répètera maintes fois plus tard à la police: il n'était pas ivre!

Par contre il a oublié ses lunettes au bureau. Il hausse les épaules: ce soir elles ne lui serviront à rien dans ces ténèbres épaisses et silencieuses. Il avance par habitude, devinant plus qu'il ne le voit le muret blanc du cimetière. Tous les volets sont clos. Pas de lune et pas d'éclairage public; la peste soit de ce coin perdu où il ne se passe jamais rien!

De la pointe de ses chaussures il reconnaît à tâtons, pourrait-on dire, la pierre plus lisse du caniveau qui, il le sait, va le guider jusqu'à la fontaine de la place. Le silence est pesant. Au fil de ses pas, l'obscurité se fait moins dense. «Le vent aura chassé les nuages» se dit-il. Mais la lueur blafarde se fait plus sensible et il perçoit maintenant les bas-côtés de son chemin, la ramure des arbres et même la silhouette de la statue qui domine la fontaine. Levant les yeux, il devine la masse de la colline au mitan de laquelle se trouve sa petite maison. Cette ombre semble le menacer car des lueurs tremblotantes se font plus précises, au delà des falaises rocheuses qui couronnent la montagne.

Et soudain, une boule incandescente surgit là haut, vers le Nord. Trois autres la suivent de près. Elles glissent lentement et silencieusement dans le ciel noir. D'autres apparaissent encore sur la crête, en vagues désordonnées. La voûte céleste se remplit de lumières qui se dirigent vers lui. La plus grosse des boules descend, encore et encore et il lui semble qu'elle explore les terrain avant de se poser.

''Voilà, pense-t'il, tu n'as pas voulu croire, tu as nié l'évidence, ils vont te prouver qu'ils sont bien là. C'est tout simple: c'est toi qu'ils viennent chercher''.

Il frissonne et ses mains deviennent moites. Retourner au café avertir les autres? Impossible. Ces ….choses l'auront rattrapé bien avant. Pris de panique, le cœur battant la chamade, le vieil homme replet se met à courir, la tête levée vers ces envahisseurs.

Un grand coup dans les tibias le fait basculer en avant. Sa tête heurte violemment une surface dure et lisse et il perd connaissance.

Le jour se lève lorsque, transi de froid, il revient à lui. Le ciel est clair, les lueurs ont disparu. Une brouette gît, renversée à côté de lui. C'est elle qui a provoqué sa chute, près d'un chantier de maçonnerie. Un ronflement de moteur et une odeur de gasoil remplissent l'espace. Jérôme reconnaît une fourgonnette de la police cantonale. Deux hommes en uniforme s'approchent et l'aident à se relever: « Eh bien, M'sieur, que vous est-il arrivé? ».

Et il a passé plus de deux heures au poste à expliquer ce qu'il a vu à ces deux fonctionnaires goguenards. Ils lui ont dit qu'il était le seul à avoir observé ces objets euh...extraterrestres. Et plus il plus il s'énervait à tenter de donner des détails, plus ces hommes souriaient.

Il est rentré chez lui où, après un bon bol de café fumant, il tente de remettre de l'ordre dans ses pensées. La peur monte en lui, une peur étrange, animale. Reviendront-ils maintenant? Sûrement, car ils savent qu'il en a trop dit. Il renonce donc à aller dénicher des traces d’atterrissage dans les champs du village. Courbatu et fatigué, il s'allonge pour plonger aussitôt dans un sommeil sans rêves.

yvessoucoupesLa sonnette de la porte d'entrée l'a tiré de sa torpeur. Il ouvre précautionneusement. Les deux uniformes sont sur son seuil, le visage épanoui: ''On a fait notre enquête, M'sieur. Hier à Notham c'était la fête et ils ont lâché plein de lanternes chinoises, comme ils disent, à la tombée de la nuit. C'est la brise qui a dû les pousser vers chez vous''....

Jérôme soupire: jamais il n'arrivera à convaincre quiconque que les envahisseurs ont déjà débarqué sur terre. Peut-être ces deux policiers sont-ils eux mêmes des envahisseurs. Mais comment le prouver?

 

Yves Martin-Guillou,  Novembre 2010

 

 

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