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24 janvier 2011

Le voisin lointain, par Carole Menahem-Lilin

Consigne d'écriture: il s'agissait de trouver des associations insolites : qualifier un mot, donner à éprouver un sentiment par une image forte, réactualiser les clichés. A partir de ces associations, j'ai créé ce poème. Carole

 

Le voisin lointain

Est revenu aujourd’hui

De son long, long voyage

Immobile

Dans l’empire intérieur de sa tristesse.

 

Il a posé ses bagages

De soucis et d’ennuis

Sous son lit à cauchemars,

 

A ouvert sa boîte aux lettres

Dont le volet toujours fermé

S’affolait,

 

A déchiffré les fractures

A réduit les factures

Et répondu doucement

Aux courriers de ruptures,

 

Puis callé contre son oreiller

Il a lu à sa mélancolie

Toutes les histoires d’enveloppes,

Jusqu’aux tous petits imprimés

Au bas des publicités.

 

Il a lu à voix basse et chantonnante,

Comme on lit un conte

A un enfant qui a été souffrant,

 

Et sa mélancolie bercée

Lui en a été reconnaissante.

 

De ma fenêtre je l’ai vu

Et j’ai entendu s’élever

La musique de chambre

De la complicité.

 

Le voisin lointain

Est revenu aujourd’hui

De son long, long voyage

Immobile

Dans l’empire intérieur de sa tristesse.

 

Il est descendu

Prendre son déjeuner

A considéré sa cuisine,

Au sol les cheveux coupés du chagrin

Faisaient racines :

Il les a balayés,

 

Puis a jeté la langue en sauce, refroidie,

Qu’avait mitonnée le dégoût.

Non il ne boirait pas

La tasse à café d’amertume,

Et même bouderait

Les bedonnants boudoirs

Dans la boîte à gâteaux vieillie.

 

Car il était revenu aujourd’hui

De son long, long voyage

Immobile

Dans l’empire intérieur de sa tristesse

 

Et avait faim de douceur,

Faim d’horizons

Non entamés.

 

Dans son salon il a libéré

Le piano en cage

 

Puis il est sorti par

La fenêtre traversante

Evitant ainsi

La porte tournante des souvenirs

Enragés.

 

A-t-il entendu, en passant devant chez moi,

La fugue baroque de la volupté ?

Il s’est arrêté

Et je l’ai invité à m’accompagner :

boire un sirop d’orgeat

A la terrasse du printemps .

 

« Puisque, voisin,

 Vous voilà revenu aujourd’hui

De votre long, long voyage lointain… »

 

Il m’a jeté un sourire proche

Et puis, d’un mouvement de tête encore très lent,

Encore très étonné,

Il a accepté.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Commentaires
F
magnifique! un joli réservoir à images, une jolie manière d'évoquer l'ineffable...
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