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28 novembre 2011

Petits plaisirs de la vie, par Danièle Chauvin

Il s’agissait de nous faire pénétrer dans l’intimité et la pensée de différents personnages, dans une narration à la troisième personne.
Vous pouvez retrouver d’autres textes de Danièle sur son blog, http://a-laligne.blogspot.com

Petits plaisirs de la vie

danieleguitareLe vieux Jack s’était levé aussi tôt que d’habitude pour aller remettre de l’ordre au café. Pourtant, on était dimanche aujourd’hui et c’était le jour de fermeture. Mais, d’abord, le vieux Jack remettait les lieux en état chaque matin, et puis, Sydney avait mis le feu hier soir et la nuit avait été longue. Sa guitare enchantée avait transporté son petit café dans le monde de la soul. On avait chanté et dansé jusqu’aux premières lueurs du jour.
Hé ! Ce Sydney, tout de même, quel type ! D’où lui est venue son inspiration ? Mystère. Mais chacun y a trouvé son compte. Sa façon de raconter le quartier, ses saisons, ses habitudes et ses évènements importants ou minuscules, c’est fort, ça. Hier soir, il a eu un couplet pour chaque personne présente. Même Molly qui n’est arrivée que depuis deux semaines a eu le sien.
Cette petite est le rayon de soleil qui leur manquait, à Jessica et à lui. Son frère a eu la meilleure idée de sa vie en lui demandant de s’en occuper. Depuis qu’elle est chez eux, sa femme a changé. On dirait même qu’elle a rajeuni. C’est vrai qu’ils en avaient pris leur parti de ne pas avoir d’enfant. Et puis, avec l’école de danse de Jessica et son café-concert, leur vie était bien remplie. Mais Molly a tout éclairé d’un jour nouveau.
Elle est pétillante, cette gamine, et aussi raisonnable. Elle est contente de tout. Sa présence me réjouit décidément. C’est une idée de Jessica, de lui apporter les pancakes le dimanche matin. Elle est devenue une vraie mère poule avec elle. Elle dit que ça la rend heureuse de gâter sa nièce. Alors moi aussi je suis heureux.
Ainsi allaient les pensées du vieux Jack pendant qu’il balayait. A la fin de son travail, il descendit la grille et tourna la clef avant de prendre le chemin du retour. Il sifflotait. Il était d’humeur guillerette. Il regarda l’heure : Molly devait déjà déjeuner. Il irait lui dire un petit bonjour dès qu’il serait arrivé, dans cinq minutes.

Molly sirotait son café. C’était dimanche matin. Quel bonheur de pouvoir rester assise dans le silence. Au salon, le bruit était incessant. Et toujours debout. Rester aimable, même en fin de journée, lorsqu’elle était harassée. Stella, pourtant exigeante, comprenait son personnel. Oui, Molly appréciait son travail. Elle aimait l’ambiance qui y régnait. Cette effervescence joyeuse l’amusait parfois. Il semblait que le sort de l’Univers dépendît de la réussite d’une coupe ou d’un brushing. Mais il arrivait que certaines clientes se prissent très au sérieux. À les entendre, tous les yeux seraient braqués sur elles dès qu’elles sortiraient du salon. Alors, elles devenaient désagréables.
C’était à ce moment-là que : « Ne te laisse pas impressionner, Molly, respire, prends de la hauteur. » De la hauteur, réellement : Molly s’envolait, très haut, au-dessus du salon, au-dessus de la ville. Elle devenait une bulle légère, irisée, suspendue sur un souffle, s’approchant peu à peu de la lumière. Tout devenait minuscule, les bruits s’éloignaient, rien n’avait plus autant d’importance. Elle observait toute cette agitation depuis le firmament de sa pensée multicolore.
̶ Merci, mademoiselle. Cette coupe est vraiment très réussie. J’imagine déjà les envieuses en train de me dévisager ce soir, au cocktail de Marie-Bérangère. »
Et voilà : une bonne respiration, un sourire, un regard différent et tout devenait possible, même la reconnaissance de cette acariâtre.
Molly étala une couche de sirop d’érable sur ce délicieux pancake. Où son oncle les trouvait-il ? C’était les meilleurs de la ville. Molly dégustait son déjeuner et la sérénité du lieu. Propreté, ordre, décor accueillant. Le vieux Jack et Jessica lui offraient le confort du corps et du cœur. Elle leur en était si reconnaissante.
Tiens, le vieux Jack est de retour.
̶ Hello, Molly ! Tu as bien dormi ? »

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