Parfum d'enfance, par Dréa
Il s'agissait d'évoquer, à partir d'un goût ou d'une odeur, un souvenir. Celui de Dréa est à croquer!
J’avais faim, j’ai fait quelques courses alimentaires et je remonte vite dans ma voiture. Sur le siège passager, s’étalent mes achats. Je démarre aussitôt, un regard sur la route, l’autre sur ces belles mandarines aux joues rebondies et si tentantes. Une main sur le volant, de l’autre j’attrape un fruit, et aussi adroitement que possible je craque l’écorce lisse et granuleuse à la fois, l’écorce qui aussitôt gicle de plaisir, l’écorce dont l’essence envahit l’habitacle… et me transporte quelque soixante ans plus tôt et quelques kilomètres plus au Sud…
J’étais enfant avec mes cousins, cousines devant leur maison où quelques arbres fruitiers s’offraient. Pour toucher ces branches hautes pointes de pied, rebonds, cris de triomphe ou de déception et toujours cette odeur stimulante qui nous engageait dans des concours de sauts en hauteur ! Une fois conquise, la Belle pulpeuse nous aguichait de ses blanches dentelles qui laissaient percer sa chair gaiment orangée. Généreux, le jus collait un peu les doigts, qu’on léchait avec délice.
Puis, comme l’oiseau quitte sa branche, nous nous envolions vers les rangs serrés de haricots verts, pour une partie de cache-cache ; le brun de la terre affolée, retenait les traces de notre passage effréné.
Course à travers la propriété, bataille des couleurs, bataille des senteurs, bataille des heures et du Temps inéluctablement vainqueur ! Temps du repas à grands éclats de rire, Temps du coucher aux rires étouffés, Temps du sommeil scandé par le carillon imperturbable, Temps du réveil où la Tante apportait à chacune son petit déjeuner au lit (grand matelas posé à même le sol) et là, toutes les petites têtes alignées au-dessus du grand bol de café au lait et des tartines grillées se délectaient tout en racontant des blagues. Jamais je n’ai dit que je n’aimais pas le lait car ce moment béni de communication, cette bienveillance et cet amour familial faisaient même oublier ce détail. Détail perdu dans toutes ces effluves domestiques qui dansent encore dans ma tête. Et dans cette danse animée, un air de joie s’exhale ; mais aussi le bruit de cette vie campagnarde qui contenait pourtant ses durs moments.
Jour du « cochon ». On nous éloignait, nous, jeunes enfants, et la gente ado et adulte, ailleurs, tuait le cochon. Nous ne voyions pas mais nous entendions les cris du « sacrifié » qui nous troublaient un instant ; puis nous reprenions vite nos jeux des « quatre coins » ou 1, 2, 3…Soleil. Plus tard aucun souvenir ne diminuait notre gourmandise pendant la dégustation des charcuteries !
A regrets, mon voyage dans le Temps s’achève : je suis devant ma porte ; au fait, ma voiture connaît bien le chemin puisque j’arrive à bon port !