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15 octobre 2012

Visionnaire, par Maxime Causse

Piste d'écriture: écrire le non visuel, en particulier les parfums.

VISIONNAIRE

 

Longtemps, j’ai pu contempler la beauté de la nature, les êtres  déambulant dans les rues. Arbres, visages anonymes. En somme, rien de plus banal. Mais progressivement, ma vision se troubla pour disparaitre complètement.

Je suis aveugle maintenant. Je me déplace avec une canne dans l’obscurité la plus profonde. J’évolue dans un univers inquiétant que j’ai réussi à apprivoiser peu à peu. En effet, le cerveau pallie à la défaillance d’un sens par la sur- stimulation des autres. En ce qui me concerne, mon odorat s’est extraordinairement développé alors qu’avant j’étais insensible aux odeurs. J’en avais une conscience confuse. Aujourd’hui, elles sont autant de repères dans mon univers rempli des images du passé.

Par exemple, quand je vais au marché ; je sais que j’approche de la boulangerie à la fragrance douceâtre du pain. Un paysage méditerranéen surgit dans mon esprit quand je hume l’étal du poissonnier. Ce parfum, salé et fort, me rappelle aussi un voyage effectué dans un petit port de pêche du sud de la France. Enfin, les fruits du primeur, aux émanations discrètes, signalent la fin de mon périple.

Il existe aussi des senteurs plus « spatiales » à côté de ces odeurs plutôt alimentaires. Il s’agit de la transpiration d’un lieu comme un puissant remugle lorsque je passe près des abattoirs.

N’allez pas croire cependant que mon univers est sans couleurs. Comme je vous l’ai dit les images du passé habitent mon esprit. Je m’amuse alors à créer des tableaux odorants : le parfum iodé est un poisson bleu, le bouquet boisé est un petit bois perdu dans la campagne.

Je suis le seul à sentir des images et quand j’en prends conscience, la solitude m’envahit. Elle devient intense quand je sens l’haleine douce de celle que j’aime. Je suis ému car je ne connaitrai plus jamais son visage dont le souvenir disparait dans un océan d’images défuntes, tandis que dans un surgissement de parfums qui n’appartiennent qu’à elle, elle renait.  

 

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