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8 janvier 2012

Eaux... par Danièle Chauvin

Sur le thème de l'eau, ce texte qui fait entendre aussi bien que voir ce qu'il décrit... Carole

cypresIl avait plu toute la nuit.


Dans ce pays-là, on meurt de chaud, on meurt de soif, pendant des semaines. Le vent souffle, et les nuages s’enfuient. Tout s’envole, la poussière de la terrasse, le sable de la plage. Mais le ciel reste clair. Armand m’avait prévenue : « Ici, tu choisis, ou il fait beau et il y a du vent, ou le vent s’arrête et il pleut ».
Hier soir, le vent avait soufflé à perdre haleine.  Il s’élançait, tourbillonnait, se tordait en rafale, raclait les toits de ses tentacules déchaînés, s’écrasait au pied des murs et remontait de plus belle à l’assaut des maisons. Il courbait les cyprès de sa force effrayante, s’enroulait violemment autour des troncs.  Les feuilles des platanes  se débattaient dans la tempête, pauvres mains en désespoir. Chacun se hâtait de rejoindre sa maison.  Le vent, de plus en plus furieux, rassemblait au-dessus de nos têtes des nuages immenses, qui se gonflaient d’eau, noircissaient en diables menaçants.


Brusquement, le ronflement du monstre cessa et le déluge, comme s’il attendait son tour en contenant sa colère, se déversa sur la ville. Les vannes du ciel avaient cédé, impuissantes à retenir l’écoulement irrésistible des eaux célestes. Un ruissellement sourd, continu, épais, enveloppait la cité. L’eau crépita d’abord sur le macadam, puis à la surface de la couche liquide qui montait peu à peu, remplissant les caniveaux, atteignant la hauteur des trottoirs, masquant toutes les aspérités, les trous, les dénivelés, les marches. La pluie dura toute la nuit. Parfois, on l’entendait s’éloigner, puis elle revenait, précédée du son monocorde de son écoulement.   


Au réveil, nous découvrîmes un spectacle insolite. L’eau ne s’était pas retirée, bien au contraire, elle s’étalait sur toute la largeur de la rue. Nous habitions soudain au bord d’un étang qui s’étirait entre les immeubles. Les arbres qui le  bordaient  s’y réfléchissaient sur fond de ciel clair. La fureur déployée la nuit avait laissé la place au calme serein d’un matin d’automne. On oubliait de penser qu’il était impossible de sortir de chez soi.

Danièle Chauvin. Le visuel reproduit la toile "Cyprès" de Vincent Van Gogh.

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