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27 avril 2012

Comme si de rien n'était... par Sonia

Toujours la même règle du jeu, débuter par "Comme si" et s'autoriser à jouer avec les rythmes. Un texte tout en émotion contenue.

 

Comme si  de rien n’était.

Ce grand portrait d’enfant dans la salle à manger. Pas de nom. Pas d’interrogation. Il est là, c’est tout.  Une décoration. Point à la ligne.

Elle a 14 ans. Un soir, ses parents sortent pour se rendre à l’une de leurs réunions habituelles, ras-le-bol de leurs réunions, se dit-elle, je reste seule face à mes devoirs de la semaine, je n’aime pas être seule le soir.

Comme si elle s’interdisait de s’asseoir dans la salle à manger. Le portrait sans nom.

Ce soir-là donc, elle n’a pas envie de rester dans sa chambre, elle traverse la salle à manger sans un regard vers le portrait d’enfant sans nom, quelle lubie la prend d’ouvrir la commode et l’armoire de la chambre parentale comme ça, sans y penser, machinalement, guidée par on ne sait quelle intuition incongrue, un peu grisée par le sentiment de transgression, et sans la moindre idée de culpabilité, elle se met à fouiller, fouiller dans les habits, fouiller dans des paquets d’objets hétéroclites, fouiller dans les boîtes, dans les chemises de paperasses, papiers officiels, courriers manuels, photos, documents en plusieurs langues, elle ne sait pas par où commencer , des trésors, se disait-elle, je suis immergée dans la vie des parents et eux dans leur réunion, ils m’ont laissée seule et moi  je fouille, je creuse, je fouine dans leur vie,  un plaisir sans nom, un plaisir étrange.

Comme si elle ne savait pas ce qu’elle cherchait.

L’heure avance.

Tout est en vrac, papiers, photos, documents.

Tout est en vrac, posé sur le lit des parents.

Elle aussi est en vrac, assise au milieu de tout ça.

Elle n’attend pas ses parents comme chaque semaine lorsqu’ils s’absentent le soir pour leur réunion, elle ne souhaite pas leur retour, trop de questions, trop d’interrogations, elle n’a pas envie de ranger, elle veut laisser tout en vrac sur le lit, comme ça, elle sait qu’ils ne vont pas tarder, elle devrait déjà dormir à cette heure, la fouille a duré un temps certain, elle n’a pas seulement fouillé, elle a tenté de donner  un sens à ce qu’elle  a trouvé, aux photos, aux lettres manuscrites, elle n’a pas vu le temps passer contrairement aux autres soirs où elle se trouve seule à les attendre, ce soir, elle ne les attend pas.

Comme si elle ne comprenait pas.

Un  puzzle, des noms inconnus, des visages inconnus sur les photos.

Le portrait de l’enfant sans nom.

Elle essaie de ne pas comprendre, elle ne veut pas savoir maintenant,  son univers bascule, au secours,  elle ne veut pas comprendre, mais elle a vu, elle a lu, comment ne pas comprendre, c’est trop tard, elle s’est brûlé les mains, elle ne peut plus revenir en arrière, elle aurait dû rester avec ses devoirs, ses livres et aller se coucher comme tous les soirs où ses parents la laissent pour aller à leur réunion, c’est trop dur, c’est terrible de ne pas pouvoir remonter le temps, elle reste là,  groggy, incapable de réagir, elle devrait tout ranger, tout remettre à sa place et aller se coucher avant le retour des parents, elle ne peut pas, elle laisse tout en désordre sur le lit, elle reste assise, elle pense, elle imagine, elle invente, elle combine, elle construit, elle brode, elle affabule.

Les photos, le portrait sans nom.

Comme si elle s’entêtait à ne pas voir le lien.

La fatigue la terrasse, elle laisse tout en plan, elle se traîne jusque dans sa chambre, elle traverse la salle à manger sans un regard sur le portrait de petit garçon qui occupe pourtant tout un pan de mur, elle se déshabille machinalement, elle se glisse dans les draps, elle éteint la lumière, elle pense à ce qu’elle est devenue depuis cette séance de fouille, elle n’est plus la même,  elle se demande comment elle va vivre au milieu de ses parents ,  elle se demande comment elle va vivre avec ses amis de collège, elle sait qu’elle ne va pas leur parler de cette soirée, elle se sent lestée d’un poids énorme, trop lourd pour elle mais qu’elle ne veut pas partager, elle ne dort pas, elle entend la clef dans la serrure, elle entend ses parents rentrer de leur réunion, elle se bouche les oreilles pour ne pas entendre leurs cris quand ils entreront dans leur chambre, elle voudrait dormir très longtemps, elle ne veut pas imaginer les suites,  elle ne veut pas imaginer la vie après .

Il y a eu un avant, il y aura un après.

Commentaire : je ne suis pas sûre que cette dernière phrase soit nécessaire. Tu pourrais terminer sur : elle ne veut pas imaginer la vie après.

 

 

 

 

 

 

   

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