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4 juillet 2012

D'une réalité à l'autre, et vice-versa... par Valérie Maffre

D'une réalité à l'autre...

val_rieLiondoccitanieLe vent léger agaçait les feuilles des arbres bordant la place ronde. L’oiseau parleur prenait une pause tandis que des moineaux le narguaient en piaillant de plus belle. Assise sur un banc au soleil,  Eulalie tendait son visage vers l’astre luisant et goûtait cette après-midi timidement estivale. Au loin, les enfants criaient de plaisir et de joie autour de la fontaine. Un insecte ailé tournoyait devant Eulalie sans que cette dernière s’en rende compte. Derrière ses lunettes de soleil, elle s’offrait quelques instants de tranquillité avant de retourner affronter le monde bruyant et clos du centre commercial. Théodore, assis à côté d’elle, s’octroyait une sieste. Ses ronflements ne dérangeaient nullement sa maîtresse habituée à ce bourdonnement sourd. Ce lion d’Occitanie n’était pas un chien de sécurité ordinaire. En effet, son aspect peluche ne rentrait pas dans les standards. En outre, de nature inquiète, il avait besoin d’être rassuré ce que lui procurait paradoxalement le travail d’agent de sa patronne. Pour un chien de sécurité, ce n’était pas un trait de caractère auquel on s’attendrait. Toutefois, malgré ces 2 handicaps, son physique mastoc jouait en sa faveur et tenait en respect plus d’un.

 Le bip bip de son téléphone portable indiqua à Eulalie que le moment de sa pause était terminé. A regret, elle se leva du banc. Théodore n’avait pas bougé d’une oreille. Elle le siffla brièvement. Il ouvrit un œil puis l’autre et se mit paresseusement sur ses pattes. Il n’était pas encore décidé à avancer. Eulalie le siffla une nouvelle fois. Alors, il se mit en route et suivit dolemment sa propriétaire. Franchement, Théodore si tu n’y mets du tien, on n’est pas sorti de l’auberge, soupira Eulalie.

Elle pressa avec fermeté le pas. Théodore accéléra le sien également. Sans passer par le QG de sécurité, elle se rendit à son poste. Avant de passer les portes coulissantes électriques du rez-de-chaussée du centre commercial, elle remit son chien en laisse sans lui passer la muselière. Dès qu’elle franchit les portes, le souffle glacial de la climatisation la saisit. Elle fit un pas supplémentaire pour traverser ce mur d’air glacé et se figea. Devant elle, tous les clients et le personnel étaient recouverts de la tête aux pieds d’une drôle de substance indéfinissable bleue, craquelée qui leur donnait un aspect de froideur avec pour chacun une variante de bleu allant du plus clair au plus foncé. Sous ses yeux, les gens continuaient normalement à aller et venir poursuivant leurs activités.

- Que se passe-t-il ? se demanda-telle dans un murmure déconcerté.  C’est quoi cette substance étrange ?

- Tiens, Tiens se pourrait-il qu’elle voit maintenant les humains comme moi je les vois ?

Eulalie se retourna vers Théodore, interloquée. Elle ouvrit la bouche mais ne put prononcer un mot.

- Tu comprends ce que je dis? s’enquit son compagnon à 4 pattes.

Eulalie avait du mal à analyser ce qui était en train de se passer. Elle resta là, comme momentanément perdue, face à Théodore. Ce dernier lui donna un coup de truffe amicale. Ce simple contact chaleureux et familier la ramena à la réalité, sans savoir laquelle.

-Théodore ?

- Oui Eulalie ?

- Que se passe-t-il ?

- Bienvenue dans mon monde ! lui dit-il gentiment.

- Je ne comprends pas.

- Apparemment, tu perçois les tiens comme moi, je les vois.

- Moi aussi, je ressemble à cela ?

- Non, tu es comme tu te discernes devant le miroir, la rassura Théodore.

- Je ne comprends pas.

Eulalie avait l’impression d’être spectatrice d’un film étrange qui se déroulait en grandeur nature sur différents plans.

- Je ne comprends pas, répéta-t-elle encore une fois.

Elle se retourna pour observer ce qui se passait. Son esprit reprit le dessus. Loin d’être apeurée, ce qui n’était pas dans sa nature, elle tentait calmement d’évaluer la situation et de trouver une explication. Théodore, à ses côtés, attendait patiemment sa prochaine réaction. Prendre du recul, de la hauteur. Voilà ce qu’il lui fallait faire. Elle se rendit donc au dernier étage. Elle savait parfaitement où se mettre pour voir tout l’établissement et scruter l’ensemble. D’un pas assuré, elle se dirigea vers l’escalator, entraînant Théodore qui la suivit docilement.

Arrivée sur son lieu d’observation, elle se mit en position et sonda silencieusement chaque parcelle de chacun des niveaux. Ce qu’elle découvrait la stupéfiait. Tous les appareils diffusaient une sorte de gaz bleuté qui s’imprégnait plus ou moins sur la plupart des passants. Théodore avait assez patienté et tira sur sa laisse.

- Commences-tu à comprendre ?

- Non.

- Tu as vu le gaz s’échapper des machines ?

- Oui.

- Au départ, ce produit était utilisé pour pousser les gens à la consommation en neutralisant toute volonté de discernement et de réflexion. Quand les loups aux dents longues se sont aperçus qu’ils pouvaient avoir un contrôle beaucoup plus grand, ils augmentèrent la concentration du gaz pour annihiler toute capacité à résister et transformer les gens en mouton. Les intoxiqués sont enfermés dans cette substance qui les maintient dans cet état.

- Mais j’en ai vus qui n’en était pas recouverts.

- Certains, comme toi, sont résistants et le produit n’a aucun effet sur eux.

- Comment sais-tu cela ?

- Vous, les humains, discutez sans gêne devant nous et entre congénères nous nous passons les informations. Sachant ce que tu risques, je préfère veiller sur toi. Cela me rassure d’être près de toi. 

Eulalie s’accroupit et prit son chien dans ses bras. Elle aimait cette bestiole. Au premier regard, elle avait su, malgré l’avis négatif de son instructeur, que c’était avec ce chien-là qu’elle voulait travailler, parce qu’il était différent. Elle avait eu raison car il s’était révélé malin et efficace.

- Théodore, je ne sais pas ce que je dois penser ou faire. Viens, j’ai besoin de prendre l’air.

La timide après-midi de début d’été touchait à sa fin. Le vent taquinait toujours les feuilles des arbres bordant la place ronde. Tous les oiseaux attendaient la nuit dans moults piaillements. Eulalie s’assit sur le banc, Théodore à ses pieds. Elle fit le vide dans sa tête et tendit son visage vers les derniers rayons du soleil du jour. Elle gouta ce moment de quiétude avant de revenir sur son lieu de travail.

Elle franchit à nouveau les portes électriques coulissantes. Elle s’immobilisa. Dans les allées, les gens allaient et venaient l’air normal. Elle tourna la tête vers son chien.

- Théodore ?

Il poussa un bref aboiement pour toute réponse.

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Commentaires
V
Merci beaucoup pour les commentaires. Cela me fait plaisir !
Répondre
C
C'est bien vu!!!<br /> <br /> et clap clap pour l'imagination!
Répondre
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