Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Ateliers d'écriture et d'accompagnement à Montpellier ou par Zoom
Newsletter
Publicité
Archives
30 octobre 2012

"Vider son sac", par Rosalie Jeannette

Piste d'écriture: prendre une expression familière "au pied de la lettre"

 

« Vider son sac »

           

sac2Si j’avais vécu en des temps très anciens, j’aurais été fière que l’on me demandât de « vider mon sac ». Aussi étrange que cela puisse paraître, je me serais fait un devoir de le faire. Je me serais tenue bien droite dans mes bottes, j’aurais eu le verbe haut dans une assemblée et la parole facile pour défendre la veuve et l’orphelin. Peut-être même, avec un peu de chance, aurais-je servi de référence à une époque moins lointaine. Peut-être des Zola, Mandela, Obama m’auraient-ils prise comme exemple. Non, ne croyez pas que j’ai perdu la tête ou que la fièvre me fait divaguer. Car, l’expression « vider son sac » prend sa source dans un tribunal. D’accord, je vide mon sac.

 Autrefois, j’aurais vidé le contenu de mon sac sur une table et j’aurais déroulé des parchemins au fur et à mesure de ma plaidoirie, aurais lu les contenus apportant de l’eau à mon moulin et j’aurais usé de toute la hargne nécessaire à un homme de loi qui veut « défendre becs et ongles » son client.

 Aujourd’hui, les documents actuels sont des papiers bien rangés à plat dans des chemises et classeurs que l’avocat peut transporter à son aise. Pour ce qui est de la profession, les temps sont plus difficiles. De nombreux critères se sont rajoutés. Si je faisais partie des gens de robe, aurais-je eu le cran de défendre les causes justes ? Aurais-je eu alors le bagou indispensable ? Serais-je assez percutante pour utiliser les médias ? Non, non, en réalité, je préfère ne plus me projeter ainsi au risque de perdre la notoriété que je me suis faite plus haut.

 Peu à peu, l’expression a quitté la salle du tribunal en emportant avec elle sa coloration d’agressivité.

 De nos jours, cette expression a gardé son mordant. Désormais, quand je vide mon sac, je me libère de tout ce que j’ai sur le cœur, toutes ces choses non dites que je gardais jusque là au fond de moi et qui me torturaient l’estomac. Comme pour me purger, je crache mon venin bien en face sans me soucier de la forme, ni de la puissance des mots que je prononce. Je déballe tout, ressors la moindre anicroche qui au fond m’importait peu ; j’ai alors des mots malencontreux, des mots qui défilent les uns après les autres, des mots qui vont bien au-delà de mes pensées. Je plante un coup de poignard à mon adversaire. Oui, car qui que soit cette personne, elle est devenue la personne à abattre. Je ne prends pas de temps de réflexion, je sais aussitôt que je vais le regretter, peut-être même m’en mordre les doigts pendant un sacré temps. Quel sac d’embrouilles. Cela ne ressemble pas du tout au réquisitoire que j’aurais pu faire ci-dessus. Cela tourne au fiasco, en eau de boudin. Un vrai sac de nœuds !

 Je n’aimerais pas non plus être « L’homme au sac ». Vous savez ce pillard qui a emporté son butin dans le sac posé sur son épaule. Il fuit, il prend ses jambes à son cou et il court. Des gendarmes se trouvent  malencontreusement sur son chemin et arraisonnent le suspect ; ils lui conseillent de vider le fond de son sac, de tout déballer. La peine en sera moins lourde, promettent-ils à l’interpellé. Là je ne sais plus s’il s’agit du contenu de son sac ou de la raison de ce geste. Quel sac-cage !

 Mais, comme un prestidigitateur peut faire sortir un lapin de son chapeau, moi j’ai plus d’un tour dans mon sac. Comme je suis une femme prévoyante, grâce au contenu de mon sac, je peux parer à toute éventualité. Je ne suis donc jamais prise au dépourvu et arrive toujours à me débrouiller. Mon sac, un vrai sac à malices ! Et la malice, c’est vraiment l’affaire de la femme. Elle sait en toutes circonstances adapter le sac et les usages. « Je ferai parler les sacs, je saurai les faire parler ! » dit Jean-Claude Kaufmann. Mais il n’est pas le seul. Sans même fouiller l’intérieur, je suis capable moi aussi, en tant que femme, d’en vider et remplir plus d’un, et même d’en deviner des caractères, des histoires et de m’en raconter :

 Il y a le sachet plastique qui devient sac à main que les personnes d’un certain âge trimbalent un peu partout. Pour se rendre au marché, le porte-monnaie prend place à l’intérieur ; le sac plié tient dans une main puis, au fil des allées, se transforme en sac à provisions, le porte-monnaie passe alors dans l’autre main afin de ne pas mettre l’argent et la nourriture dans le même panier. Ce n’est pas toujours pratique, le sac pèse et tire sur la frêle épaule fatiguée. La poche devient plus solide quand il s’agit de transporter son dossier médical, même si les dernières analyses ont déjà été adressées au médecin, mais le porte-monnaie est toujours là.

 Vient ensuite le sac à main unique au cuir défraichi que la même personne d’un certain âge trimbale dans certaines occasions. Ce sac de dames qu’elle a eu pendant sa première année de mariage, qu’elle range précieusement dans la lourde armoire de famille, et qui ne sort que le dimanche pour aller à la messe ou assister à un mariage ou un enterrement. C’est pourquoi, en général il est d’un noir des plus classiques. Le contenu varie peu en général : un peu de monnaie pour la messe, un billet ou deux au cas où, les papiers d’identité et un mouchoir pour toutes les circonstances. Un vrai mouchoir en tissu, où l’on a parfois brodé les initiales, il est de ceux que l’on lave et replace aussitôt dans le sac pour la fois prochaine.

 Moi je suis une citadine, alors les sacs que je préfère ce sont ceux pour la ville et là, le choix est vaste. Je passerai très vite sur les besaces utilisées par les nostalgiques des années scolaires qui ne ressemblent à rien la plupart du temps et dont le contenu est souvent tout aussi hétéroclite. Mon intention n’est pas de heurter qui que ce soit. Reconnaissez tout de même… Imaginez le plaisir – ou le désir –  que peut inspirer une personne élégamment vêtue, la silhouette se déhanchant sur des talons hauts, une pochette entre des longs doigts vernis ou un sac négligemment jeté sur l’épaule. Enfin, négligemment, pas vraiment vous le savez bien. D’accord, l’image est fortement suggestive. J’ai honte, je parle comme un homme. Je n’aime pas ces regards là. Bien que pour les soirées mondaines…. Se montrer, être vue, attirer les regards… C’est si agréable de se sentir aimée. Mes pupilles pétillent de vie rien qu’en parlant de la chose. Ok, j’en fais trop !  Mais si on enlève les talons hauts, si on les remplace par de petites ballerines colorées et un sac assorti. Ça vous va maintenant ?

 Allez je vous emmène avec moi faire du shopping. Si j’étais canadienne, je dirais du magasinage ; il me semble ce terme donne une vision plus claire. On s’imagine aisément : tenue et chaussures confortables, un sac de petite taille en bandoulière, nous voilà fin prêts pour affronter la cohue des soldes et nous reviendrons avec encore d’autres sacs, en papier ceux-là avec nos emplettes à l’intérieur. Mais, revenons à nos sacs !

 Le matin, avant d’aller au bureau, j’accomplis un rituel.  Je commence par prendre ma douche et seulement après je choisis les vêtements que je vais porter, jamais la veille – le peu de fois où j’avais tout préparé la veille, j’ai remis mon armoire à sac pour trouver autre chose – donc jamais la veille. Je prends toujours soins d’assortir la couleur de mon sac avec la tenue choisie. De ce fait, je change très souvent de sacs à main. Aussi, j’utilise de préférence des sacs de taille raisonnable ce qui m’évite de prendre un temps précieux à transvaser le contenu de l’un à l’autre. Quand je vais en cours ou que je suis en déplacement, le petit sac est vite rangé à l’intérieur d’un autre dans lequel se côtoieront un cahier, une trousse, l’ordinateur portable, un livre pour le trajet. Ainsi, au moment du déjeuner, je ne m’encombrerai que du minimum nécessaire après avoir trouvé un abri sûr pour ma sacoche de travail. Je ne suis pas du genre à trimballer toute ma vie à l’intérieur. Rien qu’à l’idée de me représenter mon sac par terre et son contenu étendu sur le sol, dévoilant mon intimité ou un secret inavouable, j’en frissonne déjà ! Peut-être parce que j’aime garder une part de mystère…

 Avez-vous remarqué ? Au bureau, il y a des filles, quoiqu’on leur demande, elles l’ont toujours dans leur sac ; ça peut aller du cachet d’aspirine, à la pince à épiler, l’aiguille à coudre avec des fils de couleurs différentes, un couteau ou un tournevis, que sais-je encore. C’est vrai que parfois un certain temps est nécessaire pour arriver à piocher l’objet convoité mais au final il est bien là. Ces filles, je les appelle des magiciennes, mes collègues masculins préfèrent dire qu’elles leur sauvent la vie, ce qui est un peu exagéré.

 Je connais aussi certaines célibataires qui gardent toujours dans leur sac des vêtements de rechange, dans l’éventualité où elles iraient directement le lendemain au travail alors même qu’elles auront cumulé  cinéma, restaurant, salle de bal et nuit coquine. Genre toujours prête à partir. Mais de retour au bureau, seuls ses yeux peuvent la trahir, pour le reste, toujours nickel. Tiens, je pense subitement à une ancienne collègue. Elle se déplaçait énormément, les trajets en train étaient réguliers, les séjours en hôtel aussi. Vous me croirez ou pas, je ne l’ai jamais vue avec un sac de voyage, juste un cartable en cuir épais dans lequel les documents de travail côtoyaient des sous-vêtements et une simple pochette avec brosse à dents, dentifrice –tube de démo- et un peu de maquillage. Elle m’a toujours impressionnée.

 J’ai deux passions : les voyages et la marche. Personnellement, j’aime bien m’oxygéner la tête en faisant des balades. Alors je troque mon sac de ville contre un sac à dos. Si je pars simplement faire une promenade, je prends un vulgaire sac en toile ou en nylon dans lequel je mets une bouteille d’eau, éventuellement un petit en-cas, mon appareil photos, un carnet et un crayon et un sachet plastique vide. L’appareil photos pour immortaliser un paysage, le carnet pour noter les idées qui me traversent la tête, le sachet pour y conserver les différents trésors que je récolte (des cailloux, des coquillages, des asperges ou champignons sauvages, châtaignes suivant la saison). Pour les randonnées, c’est différent. Je m’équipe comme il faut, de bonnes chaussures, un sac à dos qui épouse mon dos et ne glisse pas. A l’intérieur, aussi j’aurai pris en plus de l’équipement « petites balades » une protection de pluie, une trousse de premiers secours, une lampe et un couteau de poche, un vrai casse-croûte de marcheur. En fait, je peux vous l’avouer, depuis plusieurs années, je porte le minimum sur mon dos et laisse le plus lourd de la responsabilité à mon homme qui m’accompagne dans ces moments.

 Quand je vais à la plage l’été, c’est souvent pour marcher les pieds dans l’eau. Alors, je ne m’encombre pas. Un sac en toile garni d’une serviette, un peu d’eau pour me désaltérer. Je me déshabille toujours à la voiture et dépose vêtements et chaussures dans le coffre de la voiture. J’enfile les tongs, noue mon paréo par dessus le maillot et pars pour une marche revigorante. En hiver, j’aime chercher les beaux coquillages échoués sur le sable après une tempête ; de ce fait, j’ai toujours un sachet plastique dans les mains.

 Grande voyageuse devant l’éternel, la préparation de mon sac de voyage est très minutieux. Je me renseigne sur ma destination, je ne laisse rien au hasard. Je commence toujours par rechercher ce que je pourrais apporter sur place, comme des échantillons de parfum à offrir, cahiers et crayons à distribuer aux enfants. La place libérée au retour dans la valise servira aux achats et cadeaux que je voudrais ramener. Ensuite je fais un inventaire des médicaments ou produits à apporter suivant le pays (crème solaire, anti-moustiques, savon…). Pour les vêtements, je choisis tout ce qui me plait sans me préoccuper de la quantité. Une fois toutes les tenues posées sur la table, j’effectue un premier tri, suivi d’un deuxième, pour mettre en adéquation les contenus et le contenant.

 Pour les voyages en moto, c’est encore plus folklorique. Les sacoches accrochées de part et d’autre du deux roues ne permettent pas de prévoir de nombreux rechanges. Oublier le sac à linge que l’on vide au retour dans la machine familiale. Prendre de quoi tenir deux ou trois jours sans faire de lessive. Après, il faut s’y coller –d’ailleurs le savon détachant possède de multiples avantage : il fait gagner de place, lave et détache. Désormais, fini la toile de tente et les sacs de couchage sur le porte-bagages. Après les kilomètres avalés au compteur, rien de tel que de passer une nuit au chaud. Hôtel ou chambre d’hôtes, quel pied !

 L’affaire est dans le sac !

 

 

 

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité