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5 mars 2013

Angèle (1), par Anaïs K.

Anaïs a commencé ce roman dans l'atelier. "Angèle" est un titre de travail. Le 1er chapitre va être publié sur le blog à raison d'un épisode par jour. Bonne lecture !

 

1er chapitre

 

 

m_tro            Angèle a enfin pu entrer dans une rame du métro. Elle a même trouvé une place assise, ce qui lui permet de poser son lourd paquet sur ses genoux. Ses longs cheveux blonds attirent le regard de l'adolescent assis en face mais ce sont ses yeux vairons qui le fascinent. A la station suivante entre une femme âgée, visiblement fatiguée. Angèle regarde autour d'elle, mais personne ne semble vouloir se lever. Alors elle reprend le paquet dans ses bras et se relève, en indiquant d'un sourire la place libérée. Elle tente tant bien que mal de se tenir aux barres tout en serrant contre elle son paquet.

            Lorsque le métro s'arrête à son arrêt, elle essaye de se frayer un passage parmi les gens, peu disposés à la laisser passer. Elle atteint enfin les portes mais la sonnerie retentit et celles-ci se referment déjà. La voilà obligée de descendre à la prochaine station et de marcher jusqu'à sa destination.

            Un quart d'heure plus tard, Angèle monte difficilement les marches de son immeuble. Arrivée au troisième étage, elle ouvre la porte de son appartement et dépose le colis dans l'entrée. En retard, elle doit déjà repartir. Elle ressort et prend la direction du centre de yoga. Elle salue la réceptionniste et lui donne le chèque de sa cotisation trimestrielle. Après une brève discussion autour du temps qu'il fait, Angèle repart.

            Elle arrive au supermarché, et, affublée d'un gilet affreux, elle reste souriante face aux clients moroses qui passent à sa caisse. La journée s'écoule lentement. Contrairement à ses collègues, son dos ne la fait pas souffrir. Toutes ces années de yoga lui sont très utiles. À la fin de son service, elle parle aux vestiaires avec Catherine, une autre caissière, et tente de la convaincre des vertus de cette pratique ancestrale. Mais Catherine est la mère surmenée de trois enfants, dont le père est parti il y a des années. Son salaire lui permet à peine de tous les nourrir. Ses jours de congé elle travaille au noir dans une entreprise de ménage. Elle n'a pas le temps de pratiquer l'étirement du chat ou la posture du héros. Angèle sait bien que c'est peine perdue, mais elle ne renonce pas. Elle lui garde ses fils quelques après-midis pour la soulager mais en réalité ça ne lui laisse que le temps de faire le ménage dans sa maison. Elles sont amies depuis trois ans, et le fait qu'Angèle n'ait pas d'enfant permet à Catherine de parler enfin d'autre chose.

            Après s'être embrassées, les deux femmes se séparent. Angèle reprend le métro. Sur le quai, elle cherche le meilleur emplacement. Une bande de jeunes semble guetter une proie facile. Elle ne peut s’empêcher de serrer son sac contre elle. À côté d'elle se trouvent un homme d'affaires pressé, une vieille femme aigrie, un garçon dont le sac à dos est plus grand que lui. Le wagon arrive, il est déjà bondé. Tout le monde se précipite pour y entrer, laissant à peine la place à ceux qui en descendent. Angèle est bousculée mais parvient à s'engouffrer entre les portes. Elle est écrasée contre plusieurs personnes, dont un homme au regard pervers. Les mains baladeuses sont fréquentes dans le métro aux heures de pointe... Soudainement, le signal d'alarme est tiré et le frein d'urgence activé. Les rames sont brusquement freinées et la force d'inertie envoie les uns sur les autres.

            Discrètement, une seringue jaillit d'une main. L'aiguille est enfoncée dans la chair tendre d'une cuisse et le poison est rapidement injecté. La douleur passe inaperçue à côté de tous ces écrasements, comme prévu. La seringue a disparu aussi vite qu'elle est apparue. Personne n'a rien remarqué. Il n'y aura aucun signe pendant deux ou trois heures. Puis, inexplicablement, l'état de la victime va se dégrader. Ça commencera par des nausées et des vomissements. Elle pensera à une intoxication alimentaire. Ensuite viendront d'atroces douleurs abdominales qui dureront une trentaine de minutes. Avant même que des médecins puissent l'examiner, ce sera la mort assurée.

            Les rames redémarrent lentement, les passagers pestent et s'énervent. La bande de jeunes est soupçonnée, mais les gens n'ont pas le courage de les affronter directement. Ce ne sont que murmures et regards en biais. Angèle descend à l'arrêt suivant, de légers picotements dans les jambes. Elle marche jusqu'aux quais du fleuve et se penche pour regarder l'eau. Le soleil s'est couché, le fleuve est sombre. Il y a des amoureux qui se tiennent la main, des sportifs qui courent en short, des vieux qui promènent leur chien. Ils ont la tête plein de pensées ou vide, au contraire. Cette joggeuse est à bout de souffle, elle est en surpoids et semble se battre contre ses kilos en trop. Elle ne s'arrête pas de courir, elle a un mental d'acier. Ce jeune homme qui tient la main de sa copine ne semble pas très fidèle. Il regarde sans cesse toutes les jolies femmes qui passent. Ce vieil homme semble bien seul sur ce banc. Il regarde l'étendue d'eau, si calme mais pourtant si dangereuse. Il le sait, son fils y est mort noyé. Les gens qui passent ne se rendent pas compte du drame que vit cet homme. Ils ne voient pas la douleur dans ses yeux. Ils ne voient qu'un vieillard qui occupe le banc tous les soirs, qui pourrait aller ailleurs, laisser la place aux jeunes. Toutes ces personnes ne savent pas que cet homme est brisé, tout comme ils ne savent pas qu'Angèle vient de jeter dans le fleuve une seringue usagée.

 

 

*****

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