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6 mars 2013

Angèle (2), par Anaïs K.

Angèle a toujours aimé le yoga. C'est la seule chose bien qu'elle retiendra de sa mère. Lorsqu'elle a emménagé dans cette grande ville, elle a commencé par chercher un centre de yoga. Un vrai, avec des professeurs formés par des maîtres. Elle l'a trouvé tout près de son appartement. Il a changé sa vie. Un soir, elle y retourna tard, peu avant la fermeture. Elle découvrit une scène étrange : un homme était en train d'étrangler Mathilde, une professeure. Il la maintenait plaquée au sol, les mains sur son cou. Elle se débattait mais il était plus fort qu'elle. Angèle était pétrifiée, elle ne pouvait plus bouger. Puis elle se souvint que son frère lui avait acheté tout un attirail d'objets censés la servir pour sa protection : sifflet anti-viol, bombe lacrymogène... mais surtout un magnifique couteau, gravé à son nom. Se doutait-il qu'elle le garderait sur elle seulement parce que c'est un bel objet ? Toujours est-il qu'il lui avait coûté une petite fortune et qu'effectivement elle l'avait dans son sac ce soir-là. La musique d'ambiance utilisée pour les cours tournait en boucle, ce qui couvrit le bruit de ses mains cherchant le couteau. Ses muscles lui répondaient enfin. L'arme en main, elle s'avança prudemment vers l'homme. Elle eut l'impression que la scène se passait dans un rêve. Cela semblait tellement irréel. Elle se voyait d'en haut. Étrange sensation. Comme si ce n'était pas elle. Elle planta le couteau dans son dos, l'enfonçant jusqu'à la garde. Elle aurait pu donner un avertissement, ou viser ailleurs que le cœur. Elle y repense parfois. Après que toutes ces années se soient écoulées, elle ne regrette pas ce

couteau2

 qu'elle a fait. L'homme s'est écroulé sur Mathilde. Il n'a pas pu crier. Il a eu quelques soubresauts et est mort. C'était tellement simple. La victime s'est relevée et a regardé avec effroi le cadavre à ses pieds. Son téléphone sonna, brisant le silence qui s'installait. Elle était incapable de parler. Angèle le décrocha, c'était sa sœur. Ne sachant que dire, elle annonça qu'il c'était passé quelque chose et qu'elle devait venir.

            Les deux femmes allèrent s'asseoir dans un coin de la pièce, attendant l'arrivée d'Agathe. Mathilde ne cessait de répéter « Elle saura quoi faire ». Sa voix enrouée sonnait étrangement. Malgré toute la compassion qu'elle lui inspirait à l'époque, Angèle ne peut s'empêcher de la trouver aujourd'hui faible, tellement faible.

            Agathe arriva et les événements semblèrent s'accélérer, comme si tout avait été au ralenti avant. Après avoir écouté les explications de Angèle, elle posa deux questions : « Vous avez appelé la police ? Est-ce que vous voulez que je l'appelle ? » La jeune femme fut perdue un instant. La police ? Elle n'y avait même pas pensé. Elle, qui était si sûre d'elle une demie heure auparavant, se mit à douter. Agathe attendit patiemment que ses pensées se remettent en ordre. Mais elle comprit qu'elle n'avait pas en face d'elle une femme ordinaire. Elle dit alors qu'elle ne l'appellerait pas et alla à sa voiture.

            Lorsqu'elle revint, elle enfila des gants, retira le couteau, roula le corps dans une bache. Angèle était fascinée mais finit par se lever pour l'aider. Ensemble, elles portèrent le cadavre dans un coffre qui servait à ranger des coussins. Elles épongèrent ensuite le sang et emballèrent les tapis souillés dans des sacs poubelles. Le sol n'était pas atteint, il leur suffit de rajouter des tapis pour que la pièce retrouve un semblant d'ordre. Le lendemain, Agathe avait préconisé l'achat d'une corbeille à la place du coffre, en cas d'interrogation sur son absence il suffirait de dire que la corbeille permet une meilleure aération. Elle avait réponse à tout, Angèle s'en souvient encore. Comme si ce n'était pas la première fois.

            Il fallut ensuite transporter le coffre jusqu'à la voiture, sans montrer aucune marque d'effort. Elles prirent place toutes les trois dans le véhicule. Mathilde fut déposée chez elle, et les deux autres femmes continuèrent leur route, il y avait urgence. Elles roulèrent toute la nuit. Les pensées de Angèle commencèrent à se regrouper. Elle avait tué un homme. Oui, mais un homme mauvais, dangereux, qui avait tenté de tuer une femme. Elle chercha au fond d'elle mais ne trouva aucun remords. Cette idée aurait dû l'effrayer mais elle se contenta de penser à autre chose. La voiture s'arrêta et le moteur fut enfin coupé. Le soleil se levait à peine et le silence régnait sur la plage déserte. Angèle ouvrit la portière et respira l'air marin. Un bateau était amarré sur un semblant de quai. Elles y transportèrent leur lourd fardeau. Agathe prit les commandes et démarra. Elle se retourna vers Angèle et lui dit : « Pas trop fatiguée ? »

 

 

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