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30 octobre 2013

Tara, par Karima Hadjaz

Piste d'écriture: un personnage dans un paysage...

Karima_IMG_3226

 

TARA

Ses paupières encore fermées, Tara gesticule dans son lit, encore trempée de la sueur de la nuit passée. Les premiers rayons percent à travers un trou dans le coin de la fenêtre. Elle se sent d’attaque, puisant dans ce filet lumineux une énergie  incroyable pour entreprendre cette longue marche en solitaire. La solitude qu’elle recherche ne ressemble en rien  à un isolement subi impitoyable. Non, c’est  une déconnexion recherchée, décidée et même nécessaire. Elle l’estime rare et précieuse. Elle veut en savourer chaque instant et être présente à ce RDV avec elle-même. Elle se prépare avec beaucoup d’attention, chaque geste s’imprime dans son corps. Ses vêtements de randonnée l’habillent d’une joie sans pareille. Elle se sent fière de sa décision de marcher seule, du silence qu’elle va cueillir et qu’elle saura transformer en force. Son short élastique mais suffisamment lâche lui procure une deuxième peau, une enveloppe  d’une douceur apaisante et relaxante. Sa brassière contenant ses seins fermes renforce sa fierté. Elle bombe la poitrine spontanément. Elle saisit son reflet par accident, dans le miroir de la chambre d’hôtes qu’elle s’était choisie pour passer la nuit après sa journée de marche. Elle scrute ses formes équilibrées, ses jambes régulières et ambrées par le soleil de cet été. Elle se trouve séduisante et femme. Elle chausse ses grosses chaussures lourdes pour fouler la terre afin qu’elle la sente présente au monde à son tour. Elle se sent si légère.

La voilà fin prête. Elle sort et avant de fermer la porte, elle balaye du regard cette chambre vert-olive, elle sourit, se parle à voix haute, et rappelle à cet espace que ce soir elle en puisera la douceur qui la conduira vers le sommeil. Le silence des lieux la rassure là-dessus : elle passera une belle nuit.

 Là-haut, le soleil trône prétentieusement .Tara le vénère car elle sait qu’elle peut compter sur lui et sur son rayonnement.

Son itinéraire à la main, elle cherche son chemin. Ses pas tranquilles la transportent, elle se sent digne. Dans le craquèlement des pierres sous ses pas elle écoute sa vivacité, son obstination, elle en réajuste les hanses de son sac à dos jusqu’à ne plus le sentir et faire corps avec lui.

Son regard s’active en cadence avec ses pas, elle embrasse la forêt de chênes qui ne laisse aucune marge permettant à l‘horizon de naitre. Elle marche en attendant de  savoir, de voir. La randonnée en forêt pour elle ressemble à une toile sur laquelle le peintre n’a pas encore posé son pinceau. Pourtant le tableau est dans sa tête vibrant  de couleur et de mouvement.

Elle fait des efforts pour ne penser à rien d’autre qu’a cet instant, mais l’étroitesse du sentier la met mal à l’aise. Sa poitrine se serre sans prévenir, sans raison évidente. D’un pas exagérément assuré, elle dessine des ponts avec ses jambes comme pour éviter quelque chose, un obstacle invisible. Ses yeux vaquent  dans tous les sens afin d’empêcher les branches qui tenteraient de lui barrer le chemin. Elle ne se laisse pas abattre, derrière ses lunettes de soleil elle se protège des épines. La solitude choisie a un coût semble t-elle se rendre compte.

Un mauvais sentiment l’envahi soudainement. Elle vacille entre le désir de poursuivre cette quête du silence et l’envie de rebrousser chemin. Mais, faire marche arrière serait une défaite, un assujettissement à la peur et elle n’en veut pas. Elle a choisi, pour être seule, cette forêt entourant un ruisseau asséché dans des gorges. Elle avale sa salive, tente de se raisonner, inspire profondément pour s’assurer que rien ne peut lui arriver. L’étau pourtant dans sa poitrine se serre. Le silence qu’elle recherchait devient bruyant. Elle commence à sentir la peur. Cette peur chimérique qui grandit par la pensée, par l’idée même de la peur. Où va-t-elle la puiser ? Tara se raccroche au vent qui lui apporte un doux chant d’oiseau un peu atypique, presque exotique, elle se raccroche aux couleurs de cette végétation étincelante et à l’idée de son portable en cas d’urgence. Elle se demande alors où est le libre arbitre. L’exerce t-elle dans  cette volonté pure à choisir de vivre sa solitude en marchant ? Oui elle marche, c’est cela qui importe, se réconforte t-elle.

C’est la fin de l’été, la rivière asséchée offre son lit dans la quiétude, un lit gris recouvert de vieilles algues, de cailloux aux reflets salés, sans âmes. Un lit blanc. Un linceul entouré d’arbres immobiles. Tara essaye de se conditionner, un mot qu’elle trouve vraiment déplacé ici mais elle a besoin  de se raisonner, de balayer les idées et pensées morbides qui ont assailli sa tête et son corps en si peu de temps et sans prévenir. Dame Nature est redoutable, se dit-elle. Elle se met à douter de cette grande Dame aux mille costumes, de ses vertus ressourçantes. Ça y’est, elle se met  à accuser Dame Nature !

« Trop facile, se renvoie-t-elle à voix haute. La peur vient de moi, pas de Dame Nature ».

Suite: demain.

Texte et photo de Karima Hadjaz.

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Commentaires
S
Plein de belles choses sur ce blog, bravo.
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