Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Ateliers d'écriture et d'accompagnement à Montpellier ou par Zoom
Newsletter
Publicité
Archives
18 janvier 2015

Sur le parking de La Paillade, par Agnès

Piste d"écriture: Ecrire un texte où se mêlent histoire intime (ou ressentis, réflexions) et évènements historiques. Cette piste se prêtait à l'évocation des évènements récents, qui je pense nous ont tous touchés. Mais elle permettaiut aussi d'évoquer des évènements plus anciens dans le temps, qui ont pu modifier un destin personnel ou familial.Agnès a situé son texte deux jours après l'attentat dans les locaux de Charlie Hebdo.
A la fin de ce texte, un lien vers le bel article, qu'elle m'a signalé, d'un professeur parlant des Lumières à ses élèves.

      Vendredi 9 janvier 2015. Sur le parking, devant les Halles de La Paillade, deux haut-parleurs sur leurs pieds dressés attendent d’amplifier les voix. Elles vont s’élever dans le micro passé de main en main. Il est 14h15. Pour parvenir à ce lieu, se sont déplacés depuis la Grande Mosquée, des hommes, quelques femmes, des musulmans ayant participé à la prière du vendredi. D’autres sont venus d’ailleurs, solidaires, refusant les aberrations racistes entrainant la confusion dans les esprits apeurés, ignorants. Etre là pour lutter contre les rejets nourris par des rumeurs persistantes et malsaines.

      C’est une femme qui prend la parole, la première. Elle lit le communiqué signé par les imams de Montpellier et des petites villes proches : Gignac, Montagnac, Pézenas. Il est écrit la condamnation sans réserve de l’attentat odieux du siège de Charlie Hebdo tuant douze personnes. Une ignoble tragédie qu’on ne peut apparenter à la religion musulmane, commise par des terroristes. Les imams appelaient à se rassembler. 

      Ils ont pris place les uns à côté des autres, arrivés sitôt la prière collective terminée. Ils l’avaient dirigée. Les évènements étaient graves. Face à cela, une seule parole, développée en de multiples variations. La Paix. La Paix sur toutes les lèvres, dans chaque phrase, une scansion intérieure. La Paix. Répétée pour être comprise et entendue. Border ainsi les inacceptables risques de dérive. La Paix. Je ne sais combien de fois ce mot a été prononcé, subtilement martelé et repris dans toutes ses nuances. Inlassable travail.

      Sur ce parking, d’autres hommes ont peu à peu rejoint l’attroupement. Des femmes aussi,  restées à l’arrière-plan avec leurs bébés endormis. C’étaient des mères, des pères, des frères, des sœurs, tous concernés. Le soleil brillait pour nous tous, portait ces paroles universelles jusqu’au cœur de chacun, dans une émotion chorale. Le silence de l’heure était une garantie. Impossible de déformer les propos. Le calme répandait son influence, contagieuse. Des mots sur des affichettes tenues par des mains levées, accentuaient ce message et ce désir de paix.

      C’était digne, c’était noble, c’était sincère … Je contemplais autant que je le pouvais ces visages attentifs, sérieux, tendus vers l’espoir d’une reconnaissance commune, d’un changement profond de regard posé sur eux. Faire un pas pour aller vers l’autre et mesurer la chance de cette rencontre. Faire provision de visages. J’aurais voulu voir plus de femmes, retrouver des sourires si souvent échangés. Je savais que certaines étaient dans les salles de classe du collège, apprenant cette langue nécessaire à leur intégration, le français. Mais les autres ? Leur absence me manquait. Les enfants étaient à l’école. Alors, où étaient-elles ?

      Ces hommes, sur ce parking, en appelaient à la responsabilité de chacun, à la leur aussi, au nécessaire encadrement pacifique de tous les jeunes. Eviter leur décrochage scolaire, leur désœuvrement, leur errance qui les rendraient prêts à suivre des parleurs fanatiques, des enrôleurs haineux,  pour sortir de ce quotidien morne, sans joie, sans avenir.

      L’appel était lancé. Vers une plus grande compréhension mutuelle, vers l’affirmation des valeurs républicaines, Liberté, Egalité, Fraternité, socle de la République, de la société française.

      Il s’agit maintenant de les mettre en œuvre. Défi à relever par tous, par toutes, pour aujourd’hui, pour demain, pour que les autres lendemains chantent fraternellement, dans toutes les langues, dans le respect de toutes les religions, dans un esprit de tolérance. Alors, hélas, on pourra dire que ce massacre n’aura pas été vain…

      Sur ce parking déserté à cette heure par les voitures, entre les Halles des Quatre Saisons et la Maison Pour Tous Léo Lagrange, ils étaient, elles étaient, nous étions là, simplement hommes, femmes, ensemble. A l’écoute de notre humanité blessée.

      Je n’ai pas pu rester jusqu’à la fin de cette prise de parole mais j’ai imaginé ou rêvé ce qui a pu se passer. Des mains serrées, des accolades, des mots à faire prospérer, des inclinaisons de têtes, des saluts esquissés, des regards adressés. Respect. J’ai imaginé ou rêvé la même impression partagée d’avoir été là au bon moment, au bon endroit en préfiguration des rassemblements du dimanche suivant. On était encouragés à y participer comme partout en France. J’ai fortement souhaité que cela se passe comme cela et nous retrouver coude à coude dans la marche silencieuse du dimanche. Refus de vouloir nous diviser…           

       Le soleil a continué à diffuser sa chaleur. Elle est encore en moi, malgré tout, même à distance, même dans la pâle intensité de cette journée d’hiver  …

Agnès, lundi 13 Janvier 2015                                                    

Il s'agit d'une lettre écrite par un professeur de lettres à ses élèves bien sûr, au sujet des évènements de la semaine dernière. Un très beau texte que j'ai plaisir à diffuser... Agnès

 http://www.telerama.fr/idees/mes-chers-eleves-par-fanny-capel-professeur-de-lettres,121684.php#xtor=EPR-126-newsletter_tra-20150116

 

Publicité
Publicité
Commentaires
M
C'est touchant, ça remue des choses douloureuse en même temps qu'une solidarité rassurante.
Répondre
Publicité