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27 janvier 2015

Cela arrive en gerbes serrées... par Michelle Jolly

 

Piste d'écriture: mêler Histoire et intime.  

Comment épingler un souvenir ? le sortir de la gangue des jours alignés, je ne sais pas faire le tri, c’est selon mon humeur, les jours, le temps, les évènements, cela arrive en gerbes serrées, tant de choses s’alignent au même moment, quand les années s’additionnent ,il y a des souvenirs sans importance qui restent accrochés à des déchirures.

Je me souviens, j’ai huit ans, août 39, nous rentrons d’un bain à la rivière, papa marche devant soutenant maman qui pleure….le lendemain il partait à la guerre.

Je me souviens du cresson qui poussait dans les champs pleins d’eau.

Je me souviens de l’odeur du café sur la place où l’épicier torréfiait devant sa porte

Je me souviens de mon vélo, des pneus bourrés de chiffons, et des sauts que mon dos supportait sur la route, à l’arrivée je me souviens du chant dans la cour, obligatoire, dans le froid parfois, « Maréchal nous voilà !!! » c’était ma sixième, l’école était à quatre kilomètres.

Je me souviens, j’avais onze ans, de la longue promenade à vélo pour trouver à manger, papa était devant moi, on chantait, comme souvent à la maison.  Un camion de soldats allemands  nous a doublés chantant plus fort que nous, ils nous ont souris, et avant qu’ils disparaissent au loin sur la route, le cri de papa : « Couche toi dans le fossé ! » Le bruit violent d’un petit avion au-dessus, puis d’une mitrailleuse, des cris, et un homme tenant sa jambe qui court vers nous en criant « ferrât !’ » ; il prend mon vélo, et repart chercher du secours, papa était muet et moi je tremblais. Puis l’homme est revenu, a dit merci, son pantalon était rouge de sang.  Nous avons essayé de reprendre la route, je n’y arrivais pas et mon père m’a fait marcher un moment avant que je remonte sur la selle ; je me souviens que le lapin que l’on ramenait avait disparu.

Je me souviens des deux semaines dans les caves de la distillerie, pour éviter les bombardements, on y jouait au gendarme et au voleur avec les copains de la rue ! c’était une sorte de camping improvisé, et l’on s’amusait bien..

Je me souviens de Paris et des parties de ballon avec les voisins, sur les champs qui allaient devenir le périphérique.

Je me souviens des belles années et  de celles qu’on voudrait effacer

Je me souviens d’Alger quand on arrive par la mer…

Je me souviens du bonheur d’une musique, et de l’écho dans mon ventre d’un enfant qui apprécie…

Je me souviens des longues marches, du bonheur au sommet,

Je me souviens de visages, de gestes tendres, de délires, de chagrins,

Je me souviens de paysages, de climats, de colères, de renoncements,

Tous ces souvenirs étayent le bon et le mauvais, cela s’enchevêtrent parfois mais comment ne retenir que le bon ? et oublier le reste ? Je ne sais pas faire, et je me dis souvent que le mauvais a sûrement été nécessaire pour arriver à aujourd’hui ; j’écarte les mauvaises herbes quand elles s’imposent trop,  et j’ai la chance d’aimer la vie, alors j’avance.

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