Quincea-Shop, par Michelle Jolly

Piste d'écriture: cette  photo de Eniac Martinez. Imaginez la situation dans laquelle la photo a été prise, et racontez en faisant alterner les points de vue.

La voisine d’en face 

« Enfin ! Il l’a sa quinceañera, Gabriele, depuis le temps qu’il en parle ! c’est vrai que Mélissa est sa seule fille, après trois garçons !   Maintenant c’est un père comblé ; regardez-le comme il est fier là-haut entre ses deux fils ! Droits dans leurs beaux costumes, que j’ai prêtés à Indira, la pauvre, elle m’a dit : « entre la robe de Mélissa et les costumes de mes hommes je peux pas, toi qu’as eu cinq enfants tu n’aurais pas gardé ? .... » 
J’ai fouillé, et retrouvé des vêtements qui allaient… Elle est belle la Mélissa, elle vient souvent me voir, y a que la rue à traverser !
Quand la boutique sera ouverte, ça amènera du monde dans le quartier, c’est pour bientôt a dit Gabriele…
Ils sont cinq maintenant sur le balcon, les deux commis sont arrivés, le photographe aussi ; j’irai ce soir au bal, je ne danse plus depuis longtemps mais j’aime bien regarder… »

Gabriele

« Tout le quartier est là, c’est normal, quinze ans, c’est important pour ma fille et surtout les prétendants ! Ah ! les prétendants… J’aurai dû terminer la boutique ; j’ai un petit dépôt, la bière c’est notre gagne-pain, mais on s’agrandit, le balcon n’est pas fini, on a commencé à peindre, le garage est grand, ce sera suffisant. Corona-Shop, c’est Fernando l’aîné des garçons qui a eu l’idée, c’est bien , en grosses lettres rouges au dessus de l’entrée ! je vois déjà ça !! j’en ai rêvé !
Elle est belle ma fille, le portrait de sa mère, mais pas son caractère ! Indira est une sauvage, elle ne veut pas être dans la photo ! trop à faire a-t-elle dit, la soirée, le bal… Il ne manquera rien, je lui fais confiance, mais c’est une sauvage ! »

Melissa

« C’est long cette photo ! J’espère que mon ombrelle cache une partie de la maison, surtout le garage, la boutique… j’ai honte. Ah ! cette boutique ! la fin des travaux n’arrive jamais ici… J’aurais bien aimé qu’on remette cet anniversaire, attendre, la fête, les cadeaux ; tous ces gens, et surtout ces garçons qui vont tout à coup s’accrocher !!! J’ai vu pour Maria, ma cousine, ils étaient au mois cinq dans la soirée venant à tour de rôle tenter leur chance, certains discrets, d’autres insistants, entreprenants prenant de force sa taille et l’entrainant, elle a dû se battre, le garçon est sorti.    
Mais j’ai quinze ans aujourd’hui, et j’ai peur...     
Elle est jolie mon ombrelle, une idée de maman, ma robe c’est elle qui l’a brodée, des dentelles dénichées on ne sait où. Quant au voile, comme une mariée, je n’en voulais pas, maman non plus, mais papa a insisté, la coutume a-t-il dit, alors………… la coutume… ! » 

Michelle Jolly

La photo: La quinceanera en Ciudad Neza, série Nixtecos, 1989, Mexique, photographe Eniac Martinez.