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13 mars 2015

Butinage, par Rosalie Jeannette

 

piste d'écriture: se retrouver dans la peau d'un autre...

 

Après tous ces jours cloîtré chez lui pour finir son ouvrage, Pierre sent un irrésistible besoin de s’oxygéner. C’est le premier jour du printemps, pas de meilleur pour mettre son cerveau en émoi. Les parcs du château accueillent actuellement le festival international des jardins : De nombreux artistes qui redessinent chacun un pré carré auquel ils mêleront odeurs, saveurs et goûts sur un thème défini chaque année. Ils deviennent architectes, parfumeurs, créateurs de rêves ou solliciteurs de questionnements intérieurs. Dans tous les cas de figure, ces hommes nous emportent ailleurs….

Pierre se rend donc à Chaumont sur Loire par des petites routes qui serpentent la campagne environnante. Il franchit les majestueuses grilles en fer forgé du domaine. Dès ses premiers pas dans l’allée principale, une sensation de légèreté l’habite. La pente est assez raide mais le panorama qu’offre la Loire et l’église en contre-bas le lui font oublier. Les grands espaces enherbés, où trônent des œuvres monumentales et cependant éphémères, jalonnent son trajet jusqu’aux bâtiments annexes du château qui abritent des expositions temporaires : peintures, sculptures, photographies géantes représentant des paysages lointains où prédominent la nature et l’humain.

Il se trouve enfin dans la partie du parc réservée au festival, consacré cette année aux péchés capitaux. Un éveil des 5 sens. Sens dessus, dessous, pour ces réalisations artistiques complètement différentes :

des réalisations florales qui répandent une odeur douce et agréable,rosalie jardins

des espaces mi-clos où le visiteur doit se servir de son intuition, pressentir, deviner,

des espaces qui ouvrent les bras et invitent à la paresse,

des matériaux vivants que l’homme s’approprie,

des œuvres aux odeurs acres et nauséabondes pour questionner les consciences…

Les objets du quotidien se transforment et investissent des domaines inattendus, mêlant par moment des sons surprenants. Les parterres regorgent de couleurs chatoyantes, de substances odorantes, d’effluves, de fragrances. Les cinq sens sont en éveil.

La magie opère. Pierre laisse échapper de sa bouche un souffle léger, semblable à celui du vent qui berce cet après-midi ; il passe sa langue sur ses fines lèvres pour mieux saliver ; sa gorge exhale un peu de tous ces parfums qui l’entourent. Comme un retour à l’origine des plaisirs primaires, enfantins.

Il lui semble que son enveloppe charnelle n’est plus. Il n’est que nuage vaporeux, une masse inoffensive sans forme bien précise, qui se déplace au gré des parfums, des essences et qui volète dans toutes les allées des jardins. Mais oui ! Quelque chose d’étrange l’a ramené à sa fonction première, sa nature profonde. Il prend possession des jardins qui fleurent bons. Pas d’odeur tenace, ni entêtante, plutôt quelques notes fugitives.

Il est devenu ce papillon qui butine fleur après fleur, sans vraiment se poser, seulement quelques haltes passagères pour s’abreuver ou absorber ce nectar si délicieusement offert. Il est ce papillon, devenu parfumeur et seul maître à bord, qui choisira sa note de tête, celle volatile de la première impression, puis sa note de cœur qui développera un parfum et pour finir cette note de fond, lourde et tenace qui dure plusieurs jours. Mais Pierre ne sera plus là pour savourer sa création. A la fin de la journée, sa vie de papillon s’envolera dans un dernier soupir…

Rosalie

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