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10 novembre 2015

La panne, par Sylvie Albert

 

Piste d'écriture: à partir d' extraits de Toute la lumière que nous ne pouvons voir, d’Anthony Doerr, travailler la description en usant de différents sens (pas seulement la vue), au présent, et/ou à travers un acteur en mouvement. Cette séance, sans doute trop complexe (j'avoue, j'aurais dû m'en tenir à un texte, une piste, mais ce roman m'a enthousiasmée !) - cette séance donc a laissé perplexe plus d'un participant. Sylvie a traité sa difficulté avec humour, et au final, a excellemment tiré parti de ces pistes... Carole

La panne

 C’est la première fois que l’inspiration me fuit à ce point. Je la vois courir devant moi, sans me laisser aucune chance de la rattraper. Je la vois frapper de plein fouet mes voisines, dont le clavier ou le stylo commence à s’agiter. Mais au-dessus de moi, sous ce bas plafond de l’ADRA qui semble aujourd’hui peser sur moi comme un reproche, aucune muse créatrice, aucune inspiratrice qui ne daigne m’envoyer ne serait-ce que le plus petit commencement d’idée. Les chuchotis dans mon dos me perturbent, m’agacent, me déconcentrent. Mais cela ne m’arrangerait-il pas, par hasard, que les éléments extérieurs me freinent de la sorte ?

En fait, ce n’est en rien étonnant que cette piste d’écriture me bloque. Car elle appuie exactement là où le bât blesse chez moi : le sens de la description, la description des sensations. Mon écriture, contrairement à moi - je vous rassure - n’a à ce jour jamais rien eu de sensuel. Des faits, des pensées, des actions, certes, mais des sensations, des ressentis, que nenni… Pourquoi s’encombrer de fioritures ?

Alors je quitte la pièce, poussée par ce plafond qui menace de m’écraser si je reste. Je sors en fermant les yeux, histoire de respecter au moins deux minutes la proposition de Carole et d’expérimenter mes autres sens. A la première seconde, il est évident que je ne vais pas partir sur ma gauche, l’odeur qui en émane m’agresse instantanément. J’ouvre les yeux, car pas encore bien ancrée dans mon aveuglement de composition, et je lis « local à ordures ménagères ». Ok, logique. Je profite d’avoir les yeux ouverts pour descendre du trottoir, puis j’avance, en les refermant. Dans mes oreilles, du bruit, des gens qui parlent, une voiture qui me frôle, une scie ou ce qui y ressemble qui saute au lointain. Dans mon nez, une odeur moins agressive mais encore loin d’être suave. Sous mes pieds, aucune sensation agréable non plus, simplement du bitume, et… aïe, un trottoir ! Côté toucher, rien à signaler, j’ai les mains dans les poches. Bon, ce n’est peut-être pas le bon endroit pour une telle expérimentation…

Je rentre à nouveau dans la pièce, les murs m’accueillent de leur couleur vive, les chuchotis se sont faits plus discrets, je peux peut-être m’ouvrir à la piste du jour. Donc… si je ferme les yeux, là, assise, au chaud, en bonne compagnie et l’estomac bien rempli, je sais dans quelle situation mon héroïne va se trouver : elle est tout simplement nue au soleil, elle sort de la rivière rafraîchissante, et vit cet instant magique et très bref pendant lequel les rayons sont assez forts pour que le contraste entre l’eau et le feu produise des picotements et des petits « pschitt » sur sa peau…

Mais tout cela ne va pas nous mener bien loin, aucune histoire digne de ce nom ne pointe le bout de son nez. Alors, vous m’excuserez… je ferai (j’espère) mieux la prochaine fois !

Sylvie Albert, octobre 2015

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