Le Jatropha, par Michelle Jolly
Piste d'écriture: en immersion dans un paysage.
Le Jatropha
La route en haut s’arrête au quarantième étage,
L’à-pic est devant nous
Et le long, accroché, comme coquillage au roc
Ou abeille à la ruche,
Là sont nos lits, nos rêves, nos tables, nos misères,
Et dans le moindre creux, la moindre ordure au vent,
Le jatropha y pousse, inexorablement.
Nous, on est tout en bas, au dixième niveau,
Agrafés comme on peut, au rocher qui résiste,
Une fois, sur la plage, j’ai voulu regarder,
Et soudain, j’ai eu peur,
Ma maison est en bois, et semblait soutenir
Toutes celles au-dessus ! Grimpant jusqu’à la route ;
ça donnait le vertige,
J’en ai fait des cauchemars…
Ma mère Abella,
Qui aime sa maison car elle est née ici,
Ne veut plus en bouger.
Nous, on monte et descend, car on est onze à table,
Et je suis le plus grand ;
Mais à la fin du jour, entre courses et travail
Mes jambes sont de coton, et ma tête vacille,
Pourtant, nés sur ce roc, culbutant dans le vide,
Manquant d’air souvent, en vain cherchant l’issue,
Peu de nous sont partis,
On y rit, on s’accroche, on danse au soleil !
Et dans le moindre trou que les rats abandonnent,
Le jatropha y pousse inexorablement.
Le jatropha est une plante au Brésil, envahissante et tenace, poussant sur les rochers et qu’on appelait autrefois « favela ».