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11 janvier 2019

Il était là... par Michelle Jolly

Piste d'écriture: d'après la chanson de Lhassa, Confession, penser à un personnage en termes de contradiction, voire de paradoxe.

michelle ceramique

Il était là, debout, appuyé contre le marbre de la cheminée ; elle ne le regardait pas, les yeux dans le vague, ou dans un monde bien loin d’eux. Il venait de lui annoncer son départ, où ? il ne savait pas encore, mais il voulait partir, impératif, il s’expliquai, froid et dur : « Essaie de comprendre, on s’est mariés trop jeunes, deux enfants tout de suite, c’est lourd, trop lourd, je ne me sens plus les épaules assez solides, envie d’autre chose, une autre vie… » Elle ajouta plus bas, « Une autre femme ? »   

Il baissait la tête, se retourna en regardant le feu, sans répondre.

C’était vrai, il y avait quelqu’un d’autre, mais ce n’était pas l’essentiel, toutes ses raisons se mélangeaient. Il aimait la maison, il avait lui-même aménagé la terrasse, dessiné le jardin, il en avait rêvé autrefois d’avoir un lieu à lui, mais aujourd’hui, il se sentait détaché de cela, envie d’ailleurs, d’autres habitudes, d’autres projets, d’autres décors. 

Le bois se consumait vite, il ajouta une bûche. Face à lui, elle était assise, assommée, la tête dans ses mains ; attendant un sursaut qui ne venait pas.

« Quand as-tu changé ? quand as-tu décidé ? » demanda-elle.

« Oh c’est venu petit à petit, ou plutôt ça vient petit à petit, ce n’est pas facile tu sais, il y a des moments de renoncement. Analysant le pour, le contre, je me traite de tous les noms, me sens coupable, je décide de faire marche arrière, les enfants, la vie avec toi, mon métier, nos projets. Le temps passe et je prends peur, le petit vélo s’emballe, on n’a qu’une vie, je chasse la raison, et m’enflamme. Aujourd’hui je veux aller au bout de mes rêves. »

Elle écoutait en le regardant, cherchant ses yeux mais ils étaient ailleurs. Elle essaya de parler en adulte, « Tu agis en irresponsable, tu as créé des êtres qui attendent de toi protection, conseils, exemple… » Sa voix se perdait, elle se rendait compte du décalage de son discours vis-à-vis de cet homme qui ne l’entendait plus. Qu’avait-il à faire de sa morale, de ses exigences, même de son chagrin ? Elle se sentit vaciller, et s’il avait raison ? Un court instant, elle s’imagina laissant tomber l’édifice, mais elle n’y arrivait pas, trop d’amour, trop de liens, impossible…. Comment pouvait-il détruire tout ça ???

Alors, elle qui n’avait jamais laissé éclater sa voix, ni rancœur, calme, patiente, résignée, elle sentit monter en elle un sentiment que tout son corps ignorait totalement : la colère…Elle saisit les bords de la petite table en céramique qui était devant elle, la brandit et de toutes ses forces décuplées par la rage, la projeta sur l’homme en face d’elle ; il recula, surpris, ramassa les débris, puis, sans dire un mot monta à l’étage…    

C’est bien plus tard, sortant d’un lourd silence, quelle se souvint des bruits entendus : des bruits de pas précipités, tout près, le moteur de la voiture, puis le grincement de la porte du jardin que l’on refermait…

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