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18 décembre 2019

Tu m'es indispensable... par Michelle Jolly

 

C’est terrible de résister à quelqu’un qui vous fait croire chaque jour que vous lui êtes indispensable…

Jane était une belle femme, disait-on, beauté froide, traits réguliers, peu de fantaisies à part quelques folies vestimentaires, qu’elle hésitait à porter, peur du qu’en dira-t-on. Mariée tôt, à un homme discret et tendre, elle accoucha à vingt ans d’une petite fille, Marie, accouchement difficile, dont elle aimait parler, pour attirer la compassion…

Marie grandit, surprotégée par une mère attentive et un père caressant, mais souvent absent. Marie adorait sa mère, l’admirait, enviait souvent son allure et sa détermination. Après de longues études, elle trouva un travail, et la vie soudain bascula : son père mourut accidentellement… Sa mère alors perdit de sa superbe, et petit à petit se renferma.

Jane

« Juin 1980 :  Je n’avais aucune envie de sortir, la mort de Pierre m’a anéantie, j’ai soudain eu peur, seule … Marie travaille, s’éloigne un peu, je me sens vieille, mal partout, et les journées sont longues, je reprends un peu de broderies, mais l’aiguille me tombe vite des doigts. A l‘arrivée de Marie, je plaisante un peu, me laisse aller, me plains en riant de mes jambes, elle me répond : « sors et marche ! » ; j’insiste en m’accrochant à son bras, et nous sortons ensemble, son bras est fatigué, mais elle peut m’accorder cela ? »

« Avril 1982 : Retour de vacances avec Marie, nous sommes retournées à Hyères, la petite location face à la mer. Marie m’avait proposé un voyage au sud de l’Italie ! Les voyages ? je n’ai jamais aimé ça, je n’en ai aucune envie, d’ailleurs autrefois cela énervait Pierre : mon manque de curiosité ; je me souviens… 

Tout s’est bien passé à Hyères, j’y ai même rencontré des amis, bonne soirée, Marie ne disait rien comme d’habitude, pourtant on a fait une fête pour ses trente ans, cette semaine. Elle semble en pleine forme, elle est même plus jolie qu’autrefois, d’ailleurs je le lui ai dit… »

« Mai 1982 : Orage hier ! je n’en ai pas dormi. Marie m’a annoncé – avec audace ! – qu’elle connaissait quelqu’un, qu’elle allait partir, qu’il était médecin dans une ville du sud, enfin qu’elle partait, elle !!   C’est impossible elle n’aura pas cette cruauté, elle ne peut pas me faire ça, je suis sa mère !!! »    

« …Je reprends vie, mais je me sens très mal, douleurs partout, la tête, le corps, je ne me lève pas, Marie est au travail, je ne me suis pas retournée ce matin quand elle est venue m’embrasser. Non ! Elle osait ? Après hier soir ? J’espère qu’elle va réfléchir, et se rendre compte que ce n’est pas possible… L’idéal, et je lui ai dit mille fois, ce serait de vivre ensemble, notre appartement comporte cinq pièces dont trois chambres ! Pourquoi partir ? ??? Je n’ai pas faim aujourd’hui, avec un bon livre je vais rester au lit. »

« Fin Mai 1982 : Cela fait des semaines que je ne quitte pas ma chambre, c’est ma façon de faire comprendre à ma fille son erreur ; si elle part je me laisserais aller, je ne peux vivre seule, elle est mon bâton, elle me soutient, c’est une présence qui m’appartient, c’est MA fille, je le lui ai répété mille fois hier avant qu’elle aille dormir. »

 

Marie

"Juillet 1982  

Nous retournons comme d’habitude à Hyères, je vais réserver l’appartement, j’ai loué un fauteuil roulant pour maman afin qu’elle ne se fatigue pas trop en promenade ; elle a besoin de moi…

C’est terrible de résister à quelqu’un qui vous fait croire chaque jour que vous lui êtes indispensable. »

 

Rembrandt Vieille femme assise, musée du Louvre

  Piste d’écriture : une relation qui fait ressortir la sensation de l’inévitable.  Piste inspirée du : « Il faut beaucoup aimer les hommes » de Marie Darrieussecq.

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