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20 octobre 2021

Laisse-le partir, par Evelyne Grenet

 Piste d'écriture: écrit sur un galet...

 Lustrés par le flux incessant, les galets de la plage brillent dans la lumière du matin. Ciel et mer se confondent à l’horizon dans un doux camaïeux de bleus. A peine quelques rayons de soleil griffent la nuée de teintes roses. Douceur méditerranéenne. Brise légère. Une journée comme les autres sans doute ?

La plage est déserte. Au loin, seul un homme avance en claudiquant. Silhouette longiligne, T-shirt blanc beaucoup trop grand, jean déchiré au genou. Le balancement des bras rythme sa marche douloureuse, un sac de jute gonflé d’un contenu trop volumineux ballote à son épaule. Fatigué il s’assoit, enlace ses genoux repliés, sa tête bascule sur ses mains. On ne voit alors plus qu’une grosse masse de cheveux poivre et sel agitée par le vent.

 

Tout oublier, se libérer du poids des souvenirs qui enchaînent, détruisent…

Jack se remémore. Voilà dix ans déjà qu’il a échoué sur cette plage, épuisé d’avoir tant nagé. Les cheveux plaqués au visage tels les tentacules d’un poulpe prêts à l’étouffer, les yeux hagards, la peau grillée par le soleil et le sel.

Depuis il revient tous les jours. « Olivia où es-tu mon ange ? »

Il se redresse, regarde au loin dans l’attente d’une réponse. Ses yeux délavés par les pleurs sont du même bleu que l’horizon. Pourquoi appelle-t-on la voile sport de plaisance ? Sport de violence serait plus approprié…

 

La tristesse assombrit son visage, un rictus déforme ses lèvres, le passé est toujours présent.

« Daddy! mon teddy bear, mon teddy bear !? »

La houle de plus en plus forte, la gite impressionnante du bateau, des heures et des heures à tenir la barre. Une fatigue écrasante. Olivia ne veut plus rester dans sa cabine. Elle pleure ! « Daddy mon teddy bear, mon teddy bear ? » Il la prend avec lui dans le cockpit. Soudain, le choc violent ! L’eau passe par-dessus bord. Les hurlements de sa fille. Quel cauchemar !

Cette évocation est insoutenable. Il plaque les mains sur ses oreilles. « Je ne veux plus rien entendre » …

Le naufrage, ses hurlements de fou dans la tempête. OLIVIA ! nager jusqu’à la plage, les secours, l’ours échoué sur la même plage le lendemain… L’arrêt des recherches. « Monsieur, vous avez heurté un OFNI… Désolé pour votre fille… »

 

Il fouille dans le sac de jute et sort la grosse peluche défraîchie. Il la regarde, elle lui parle « Papa, bateau sur l’eau, super les vacances rien qu’avec toi ». La voix enfantine toujours fraîche à sa mémoire. Il garde l’ours dans ses bras, se balance dans un câlin illusoire. Oscillement de désespoir.

Aujourd’hui c’est fini. Il sait qu’il ne retournera plus jamais en Angleterre. Les vacances qui devaient être idylliques se sont arrêtées ici. L’épilogue est un drame.

A ses pieds des galets. Il en prend un, sort de son sac son plumier. Encre noire ? Non, encre blanche. Il écrit un petit texte, pose délicatement le galet sur le sac replié, se lève, avance tranquillement dans l’eau, l’ours dans les bras.

Libération !

« Je viens vers toi ma chérie, j’ai hâte de te retrouver ». Il avance, avance, l’eau l’enveloppe doucement.galet photographié par carole Lilin

Sur le galet on peut lire :

Libère ce qui ligote l’âme

Laisse-le partir

 

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