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17 septembre 2009

"Joi". Cobla V : "Foc de Diou", par Jean-Claude BOYRIE

 «JOÌ »

(Cansò)

Cobla .v. (quinta) :

Foc de Diou.

Je détruis et je régénère.

Dévorant tout sur le brasier,

Je laisse une cendre éphémère,

et de la cendre tout renaît.

Je réchauffe et je vivifie,

je brûle ce que j'adorais.

Je suis le feu qui purifie

à l'holocauste des Parfaits.

 A ce qui se dit, le feu a pris hier soir aux environs de 22 heures, juste lorsque nous sortions de table avec Pierre Raymond. Je me suis levée tôt ce matin. Dès le lever du soleil, la ronde des Canadairs a commencé (1). Ils sont faciles à repérer, ces gros insectes dans le ciel. Leur vol est alourdi par leur cargaison d'eau et de retardants (2). Ils vont et viennent au dessus de nos têtes.  Disparaissent dans un épais rideau de fumée noire. Réapparaissent. Partent en direction des étangs pour écoper. Reviennent à l'assaut du feu.

 Rien n'est affligeant comme le spectacle d'un incendie de forêts. Un drame à vous couper le souffle et vous coller le bourdon pour longtemps. Dire qu'il y en à pour s'y complaire ! Et surtout pour jacasser : à la terrasse du « Cap tramontane », les commentaires vont bon train. le feu nourrit tous les fantasmes, avant de défrayer la chronique.

 A ce propos, je crois reconnaître mon collègue Sébastien Marronnier. Pas de doute, c'est bien lui. Il a fait le déplacement depuis Clapas-sur-Lez pour couvrir l'évènement.

 Pour l'heure, il se partage entre son ordinateur et son pastis. Au saut du lit, ça décape. Coiffé de son couvre-chef de sécurité, Seb monte en pression comme la cocotte du même nom.

 Echange de bisous en usage dans la Profession [ il sent un peu l'alcool, mais à tout prendre c'est moins grave que le virus H1N1 ].

 « Alors, Seb, lancé-je. A-t-on une idée de-tu l'importance des dégâts ? »
  - Pas franchement. Les autorités donnaient il y a peu des chiffres compris entre deux et trois cent hectares. A l'instant, le bilan vient d'être revu à la baisse : quatre vingt maxi...
  - C'est déjà beaucoup !
  - Pas assez pour rentabiliser le trajet, j'en mets ma main au feu.
  - Où l'incendie a-t-il pris ?
  - Entre Roquefort et Sigean (3), de là où vient la fumée... et comme tu le sais,  il n'y a pas de fumée sans feu...
  - En tous cas, ce n'est pas loin d'ici. Fais feu des quatre fers pour aller voir ce qui se passe !
  - Comme tu y vas, Rose ! Un front de feu, c'est dangereux, les flammes avancent vite. Et puis, je ne vois pas ce que j'irais faire là-bas, les pompiers n'apprécient pas que des badauds gênent leur action.
  - Tu n'es pas un badaud, mais un journaliste !
Chacun ses méthodes. Si ça ne te dérange pas, je préfère travailler au frais.
  - En clair, tu collectes l'information à la terrasse des cafés ?
  - C'est connu : la Presse fait feu de tous bois.
La blague a fait long feu. Là, vois-tu, je suis connecté en permanence au site « Prométhée » (4)
[ Il pianote fébrilement sur son portable et me désigne les écrans successifs qui s'affichent : ] Grâce à ce système, quelque clics suffisent pour être affranchi. Le fichier donne toute l'information disponible : le lieu de l'éclosion, la cause présumée, la puissance du feu, les effectifs et les moyens déployés, les surfaces parcourues ou détruites....
  - Et l'âge du capitaine ?
  - J'aimerais le connaître, mais la précision ne va pas jusque là. Quoi qu'il en soit, la substantifique moelle de mon futur article est là-dedans. Pour que la copie soit bonne à remettre, il me reste à ajouter les précisions d'usage
et patin couffin ... l'imprudence humaine, le désastre écologique qui s'ensuit, l'héroïsme des soldats du feu, j'en passe.
  - N'est-ce pas justement ce qu'on appelle un « marronnier » (5) ?
  - On me l'a déjà faite ! Moi, je me contente de tirer mes marrons du feu.
  - Fais comme tu l'entends. J'ai ma propre feuille à terminer, qui n'est pas de marronnier.
  - De quoi s'agit-il, sans indiscrétion ?
  - De l'ancienne frontière... au fait, je vois mon informateur préféré qui s'approche !

[  Je lui désigne Pierre Raymond Delcayrou qui vient à ma rencontre pour l'interview de ce matin .  Au moinssse, il est à l'heure cette fois ].
  -
Quoi, fait Seb avec dépit, tu as rendez-vous avec ce vieux chnoque ?
  - Ne t'en déplaise. Je suis libre d'interroger qui bon me semble, non ?
  - Et lui libre de sucrer les fraises. Après tout, si ça te chante ! Je ne veux pas te désobliger, note bien !

 [ Exit Sébastien Marronnier. Pierre le voyant me tourner le dos, prend un air perplexe. ]
  - J'ai comme l'impression de déranger, Madame Péreille. Si vous êtes avec quelqu'un d'autre, nous pouvons fixer un nouveau rendez-vous. En tant que retraité, vous savez, j'ai tout mon temps...
  - Du tout. Je suis juste en train de rompre avec mon P.C.R. [ id est : "Plan-coeur régulier " ]
  - Vous voulez dire votre bon ami ? [ il avale sa salive ]
  - Bien sûr que non, là je blague ! Seb est un collègue journaliste au Réveil. Il couvre l'incendie.
  - En ce cas....

Au regard noir qu'ils échangent, je devine que les deux hommes ne s'apprécient pas. Au fond, tant mieux pour moi : j'adore qu'on soit jaloux.

 Outre-Atlantique, on ne fait pas tant de complications. Lorsqu'un homme voit un cavalier danser trop longtemps à son goût avec sa partenaire, il lui tape sur l'épaule pour lui faire signe que c'est son tour. Excuse me, partner ! Johnny a fait une chanson là-dessus. Mais ceci nous éloigne du temps des troubadours.
Dans notre Midi, les hommes sont plutôt du genre ombrageux.
Je me demande bien pourquoi, j'ai noté ceci sur mon carnet:

 « Quel drôle de personnage masqué tu fais, Pierre ! Peut-être cela fait-il partie de ton charme. Tu voudrais bien me faire la cour, mais mon pauvre ami, tu n'as pas la tête à ça. Depuis notre premier rendez-vous, il n'y a pas une rosserie que tu ne m'aies épargnée.  Si tu crois que c'est comme ça qu'il faut s'y prendre.... Il est vrai que j'ai la dent dure aussi. Je me suis un peu renseignée sur toi. Au village, on te présente comme un célibataire impénitent parce que que tu ne t'es jamais marié. La belle affaire ! N'as-tu pas dit que l'école communale te tient lieu de famille et que les élèves sont tes enfants ? Un seul ennui, les jours raccourcissent, ta vie professionnelle appartient désormais au passé. Il serait  grand temps de te reconstruire. Mais là, je divague, j'extravague. Ta vie privée ne me regarde pas. Il se peut que tu sois à ta manière un coureur de jupons. Auquel cas « la lièvre » jouerait dans la catégorie des « chauds lapins ». Voilà qui m'amuserait fort ! 

(à suivre...)

Oc


Notes et commentaires :

  1. Les avions bombardiers d'eau ne tournent que de jour.

  2. Produits destinés à ralentir la progression du feu.

  3. Ce feu s'est réellement produit les 22 et 23 août 2009.

  4. Banque de données sur les feux de forêts. En réalité, cette base n'est pas conçue pour fonctionner en temps réel.

  5. En jargon journalistique, article préparé d'avance sur un sujet récurrent.

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épisode 6

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