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15 mai 2010

Saisir, éperdu, par Carole Menahem-Lilin

Ce poème a été écrit après lecture du poème "Saisir," de Jules Supervielle. Les vers auxquels il répond en écho sont cités dans le corps du poème, en bleu. Carole

A Jules Supervielle, en écho:
Saisir, éperdu

 Saisir, saisir le soir, la pomme et la statue

Saisir l’ombre et le mur et le bout de la rue.

 

Saisir, saisir pour se relier,

Saisir pour rien, pour la gloire, pour l’enfance,

Saisir un rien, une brindille,

Saisir ce brin de rien qu’on est seul à comprendre.

 

Saisir de l’intérieur ce qui relie au ciel,

Ce qui fait de soi une étoile, interdite et subtile,

Saisir sans mots ce que les mots nous disent,

Ce que la gloire nous garde, même tombé à terre,

Ce qu’elle capte de nous, atterrés et amers,

Ce que le ciel regarde, quand on se croit perdu.

 

Perdus peut-être, saisissants de douleur.

Mais saisir, saisir le soir, la pomme et la statue,

Saisir n’importe quoi, l’étoile sur le trottoir,

Le bout d’un cœur passant là, une accroche, un bout d’aile,

La plainte d’un saxo, un silence et deux croches.

 

Une moto rugit, un lion vient boire sur mon écran,

Il lape savamment mes larmes non versées

Et le désir revient, tend sa patte griffue,

Et le désir me mord. Je cours pour le saisir.

 

Oh saisir, saisir le soir, la pomme et la statue,

Saisir le pied, le cou de la femme couchée,

Et rattraper aussi l’épaule de l’homme perdu,

De l’homme qui m’aimait, sans bien savoir pourquoi,

Mais qui m’aimait traqué. Rentrer dans sa poitrine,

Y déposer le lion, y déposer l’étoile, y déposer l’oiseau,

Y déposer le rien, le rien de se connaître,

Et de renaître à soi, chaque jour éperdu.

 

Carole Menahem-Lilin

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