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4 juillet 2011

D'abord une plage à Alger, par Dréa

 

I. D’ABORD UNE PLAGE A  ALGER     

Bleu, blond, ambre et argent étoilé…aller-retour de vaguelettes,   doux friselis d’une fraîcheur mousseuse…

Murmure du va-et-vient anéanti par ces gosses rieurs,  braillards, tapageurs,  par cette jeunesse couleur pain d’épices et pleine de vigueur. Course-poursuite, cerf-volant,  voiles au large et Volley de plage !

Justement Nadine et quelques camarades s’y essaient avec des adversaires qu’elles viennent de rencontrer : équipe féminine, équipe masculine ; déséquilibre dans la taille, dans la force –pas drôle du tout- Recomposition d’équipes mixtes –c’est plus juste-  Une passe trop puissante envoie le ballon à l’eau : plouf, ploc,  plaf,  tous à sa poursuite, jets d’eau, aspersion, cris, bousculade et la partie se transforme en water-polo ; puis on s’éparpille à grands éclats de rire - pour se retrouver ensemble sur le sable - Chacun reprend son souffle et la conversation s’engage. Générale et superficielle, elle permet cependant de capter quelques prénoms : Nadine, Nicole, Janine et Georgette puis Pierre, Alex et Marc sont bientôt identifiés et une rencontre au prochain week-end est envisagée : possibilité pour certains seulement.

Et c’est ainsi que le samedi suivant, Nadine et Janine ont retrouvé Pierre, Alex et Marc.

Rencontre plus calme ; on joue un peu, on nage bien sûr, mais on converse surtout. Quelques propos passionnés pour défendre son point de vue : profession sédentaire ou non, loisirs sportifs, intellectuels ou artistiques ; critiques de l’actualité,  livres et films ; projets d’un futur plus ou moins proche  ; certitudes de la jeunesse. Quelques apartés se créent, notamment entre Nadine et Marc : même engouement pour Camus ou Gréco ou Sagan. Quelques divergences cependant quant à la conception du Flirt !

Les garçons sont tous étudiants en médecine, éloignés de leur famille en raison du choix de leur Université.  Les filles viennent de rentrer dans la vie active et vivent encore chez leurs parents. Bref on se sépare comme des amis et un rendez-vous se fixe pour …le lendemain, dans la mesure du possible bien sûr.

La répétition des réunions n’enlève rien au plaisir de se revoir ; les journées sont plus courtes en raison de l’automne et la durée du «  plein air » diminue au profit de bals en bordure de mer. ..Et à cause des saisons et grâce à la danse, Nadine et Marc découvrent un amour partagé pour ce loisir.  Bientôt, ils  ne dansent plus qu’ensemble dans un parfait accord. Les autres  aussi apprécient mais   eux se passionnent et forment un couple exemplaire sur la piste ! Passes plus ou moins acrobatiques, la jupe s’envole, le bras s’étire ou se rétracte,  corps courbés ou en grande fente,  séparés  puis unis,  visages  épanouis,  joues qui se frôlent…   Sur la piste…  Ils ont quelque vingt ans, il la conduit fermement ou tendrement, regard pétillant ou bien baissé vers elle ; elle se sent bien, en pleine possession de ses moyens, elle se sent belle ; elle voudrait que ça s’éternise mais…il faut  rentrer, il est déjà tard elle ne sera jamais à vingt heures à la maison. Comme Cendrillon, impératif de retour ! Jamais elle n’a eu Prince aussi charmant.

Serait-ce ça l’Amour ? Nadine et Marc ? Marc et Nadine ? Les rencontres  se rapprochent et les corps aussi ; les cœurs battent à tout rompre, celui de Nadine en tous cas ! Les copains, copines  bientôt s’éloignent discrètement. Marc est entreprenant. Nadine montre quelque retenue. Elle élève des barrières. Elle ne veut pas se tromper, elle veut se garder toute neuve pour l’homme de sa vie. Et elle se fait comprendre. En Algérie, dans les années soixante, la femme se réserve. Marc a-t-il ces mêmes critères ? Il semble en accord ; pourtant il tente toujours, toujours plus séduisant, toujours plus caressant, aussi tenace que rassurant !

Il est beau, il danse bien, les échanges sont intéressants avec lui, ils ont beaucoup d’affinités. Et puis et puis Nadine sent la puissante chaleur de ses étreintes et puis et puis leurs peaux s’attirent et s’apprécient et puis et puis elle fond sous ses baisers ; en fin d’après-midi, il fait couler voluptueusement le sable tiède sur son corps en émoi.  Il  murmure des mots de miel. Il parle même de l’avenir,  il est presque médecin, il sait des choses…Alors, alors ? Ce serait si bien ! Ce sera si bien ! Et c’est sérieux en plus. Un soir, Nadine se laisse délicieusement glisser…

C’est un rêve éveillé ; elle regretterait presque d’avoir résisté tant de jours. Les rencontres  quasi quotidiennes sont vécues intensément ; leur entente est parfaite. Marc éveille Nadine qui répond généreusement. Il lui cueille quelques fleurs sauvages qu’il tresse en collier, il lui offre des boissons, des gourmandises puisqu’elle apprécie. Ils se promènent longuement en bord de mer ou grimpent allègrement une colline accueillante ; il lui  dit par cœur quelques poésies. Ils partagent ensemble des projets à court terme et même à plus long terme. Ils respirent le bonheur, ils sont amoureux. Pour Nadine, c’est une découverte. Marc dévoile quelques aventures passées insignifiantes, assurant la puissance de ses sentiments. Des mois passent, Marc exprime pour Nadine un amour profond, surpris lui-même par son intensité. Et le rêve continue…De temps à autre, une sortie en groupe où ils se retrouvent tous avec plaisir ; échanges multiples enrichis par l’apport de chacun.

Un petit bémol cependant. Nadine se rend à un rendez-vous habituel avec Marc. Surprise, ce n’est pas Marc mais  Alex qui l’attend :

  -Marc a eu un sérieux accident à la Fac et il a été transporté en urgence à Paris. Ne t’inquiète pas ses jours ne sont pas en danger ; il va seulement devoir interrompre ses études pendant un temps.

Mais Nadine s’inquiète. Elle note le nom de l’Hôpital et envisage de lui téléphoner malgré les propos négatifs d’Alex. Après un pot pris ensemble, ils se séparent et, songeuse, Nadine retourne chez elle (une chambre qu’elle partage avec un amie car ses parents ne lui auraient pas accordé cette indépendance).

Téléphoner d’Algérie en France coûte cher mais Nadine ne recule devant rien. Et c’est avec beaucoup d’émotion qu’elle entend la voix aimée :

-… accident au cours d’une expérience, coupures brûlures mais les pronostics sont  bons. Non, ne t’inquiète pas. Je vais revenir bientôt…Non, ne viens pas, je t’assure ça ne vaut pas la peine ; d’ailleurs j’ai très bon moral…Moi aussi il me tarde de te serrer contre moi…Non, ne viens pas.

Les yeux de Nadine débordent maintenant ; l’émotion lui serre la gorge. Elle est déterminée, elle ira, elle lui fera la surprise…Avec sa coturne, elle établit un plan, voyagera en avion et sur place, selon les horaires choisira le transport en commun ou même le taxi pour se rendre à l’hôpital. Elle se réjouit déjà de la surprise qu’elle lui réserve.

Le voyage lui paraît long ; elle ne peut fixer son attention sur son livre. Mais, sereine, elle vit la surprise qu’il aura. Et c’est le cœur en fête qu’elle compulse les plans de métro, calcule le temps de trajet et prévoit son arrivée aux environs de quinze heures. Dans son sac, elle s’est chargée d’oranges qu’il aime tant et de mots croisés! Sera-t-il dans son lit ? En fauteuil ?

Le moment des retrouvailles approche. Un sourire épanoui et tendre éclaire son visage. Son petit sac de voyage à la main, elle toque doucement à la porte de la chambre et entre.

Sur le lit, une jeune femme qui enlaçait tendrement Marc se déporte un brin, Marc est figé dans son expression de «  mauvaise surprise » tandis qu’un garçonnet de cinq ans brandit un dessin « regarde papa ! ». Nadine reste sur le seuil, figée, elle  aussi !

-          Qu’est-ce que je fais ? Là fenêtre là en face ! Je cours, je m’y jette…Interdite, elle ne bouge pas, son sac de voyage au bout du bras. Soudain, un hoquet, sanglot qu’elle ne peut retenir, débordement de larmes que, immobile, elle n’essuie même pas. Quelques instants s’écoulent…Enfin, lourdement, elle fait demi-tour,  et, sans se retourner, maladroitement  traîne son sac  vers la sortie...

 

II. LE RETOUR

Douloureux, interminablement long, les paupières baissées sur un regard de souffrance.

Alex a très vite contacté Nadine. Oui, oui. Marc avait parié avec ses copains qu’en moins d'un mois, il l’étendrait sous lui, cette pucelle affriolante ; il avait gagné son pari. Mais ensuite, il était sincèrement épris. Oui, oui sincèrement.

 

- NOVEMBRE 2010 -  DREA -

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