Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Ateliers d'écriture et d'accompagnement à Montpellier ou par Zoom
Newsletter
Publicité
Archives
18 janvier 2012

Toucher, par Dréa

Ce texte est né de la proposition d'écriture: écrire avec d'autres sens que le visuel, en particulier le toucher. Mais Dréa va plus loin dans sa méditation... Carole


TOUCHER…

dreaViergeImmobile, Léa observe cette œuvre d’art datant du XIVème  siècle : une statue représentant   Marie  et Jésus. Elle l’admire de face, de profil et de dos ! Son œil se promène de bas en haut, de haut en bas.  Le bois  a perdu  par endroit totalement sa couleur et le rouge disparu atténue quelque peu sa chaleur ;  le bleu écaillé  demeure quand même céleste et le regard garde son émotion. Le bois ainsi vieilli  n’en découvre que mieux son âme, veines et fibres mêlées.  Léa renifle : l’odeur naturelle du bois disparaît sous celle ambiante de l’encens, de la cire.  Dommage ! Mais n’est-ce pas là un  témoignage de respect,  de vénération,  de reconnaissance à l’art aussi ? Léa n’est  plus là, mais loin dans le Temps et l’Espace…Ses doigts enfouis  dans une de ses  poches  frémissent et glissent imperceptiblement sur la doublure de tissu…D’un geste  lent empli de respect, elle finit par céder et sa main qui s’approche, enfin rencontre  ce  bois , ce bois patiné par des siècles , qui  appelle la Caresse .  Rencontre avec la noblesse ;  dialogue  intime et riche en perceptions.  Elle n’en finit pas d’effleurer,  de  tâter cette matière,  d’en  épouser les arrondis qui se lovent dans ses mains creuses.  C’est un glissement à deux,  apaisant, doux, fusionnel  tel un pas de danse apparié. Les plis de la robe se suivent  sereinement, comme mus par le mouvement  sous les  doigts voluptueux et reconnaissants.  Le bras qui porte Jésus accentue la rondeur du contact ; le sourire doux et ferme, les yeux tout grand-ouverts appellent le partage et apprécient  la douceur des réponses.  Le bois anobli par les artistes sculpteur et peintre, est valorisé, humanisé, justifié comme le matériau le plus digne de porter cette émouvante beauté.

Mais le Bois, dans  la Nature,  n’en est  pas moins digne, pense Léa en son for intérieur. L’Arbre, à  la fois sobre et prolixe,  attire la compassion comme il offre la protection.  Ses racines profondes, chevelues,  depuis si longtemps ancrées,  incitent à la sagesse et à la relativité… Le souci prend sa mesure et l’apaisement s’installe le long de son tronc lisse. L’attouchement ému sur l’écorce rugueuse imprime dans les pores ou la joie ou la peine et les garde à jamais…  En écho  au feuillage bruissant tout alentour, il se fait le témoin de baisers,  de serments échangés,  de larmes déçues puis retrouvées.

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -   

 

Immobile, bien plus tard -  après l’accident cérébral  qu’elle vient de subir – Léa  évoque douloureusement  ces moments  là :

 « Arbre stable, bois ami sobre  et  calme, seras-tu  taciturne  ou même trop discret ? Seras-tu attentif à ma  souffrance ? Ton écorce sombre et multiple  livrera-t-elle ses secrets  de ton cœur à mon  cœur?   Et ton sage discours bâti sur l’expérience  pourra-t-il  m’expliquer pourquoi  Moi ? Pourra-t-il relativiser  mon épreuve ?

 

J’embrasse encore mes proches mais sentent-ils mon étreinte ? Aucune réponse, aucune, n’exprime ce ressenti…La soie d’une chevelure ou celle de la peau,  désormais ne sont plus que des mots. Si je les entends ces mots, ils restent bien abstraits…Et la couleur des fleurs  se ternit  sans parfum….   Que de  choses me manquent …Privée, amputée… Malheureuse,  je le suis à jamais… VIVRE ENCORE ?

 Je sais, l’épreuve pouvait  être plus dure et la souffrance sans limites… Je garde encore la vue  et le geste possibles;  mes pas me portent quand même …Mon oreille se tend ... Est-ce mon cœur qui est sourd ? Tes feuilles silencieusement  tremblent  au bout des branches et  l’invisible oiseau,  à   l’instant,  chante . Donc  quand même,  je  SENS  LA VIE, donc quand même je donne et je reçois, donc quand même :     JE   VIS… »

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité