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15 octobre 2012

Matins, par Chantal Joanny

Piste d'écriture: la vie quotidienne, comme une aventure

4h du matin

 Un brouhaha me parvient de la rue, des lumières s'imposent et clignent nerveusement, freinage sec, précis, des pas lourds et toniques, les gants épais empoignent puis tirent les poubelles grises, les roues se heurtent aux bords des trottoirs, les hommes en jaune amènent les containers à l'arrière du camion, le bras métallique les aggripe un à un, les décolle du sol, grincement identique pour les basculer en direction de la benne, le contenu se déverse inégal, les couvercles rejetés pendent fébrilement, la machine les remet sur leurs pieds, claquement et, tandis qu'ils sont ramenés à leur place, le camion avance jusqu'à la prochaine station, de nouveaux containers se pressent à leur tour, ce ballet de métal de rouille de poches plastiques d'odeurs nauséabondes tisse la carte de la ville, s'immisce dans les impasses tourne aux carrefours, la bête gronde et bave.

Chaque matin me surprend, je me lève, jette un oeil par la fenêtre, c'est bien eux. Je retourne dans mon lit et en pensée les accompagne. Le bruit devient sourd. Quand je les perds au fond de l'avenue, soupir, je relâche mon attention, le sommeil dans un sourire m'enlève.

 

8h

 Elle me regarde sans me voir ou est-ce moi qui la parcours sans la fixer, muette?

Tous ceux qui entrent restent interdits devant elle comme s'ils devaient intégrer son immobilité, puis ils se resaisissent disant qu'elle leur fait peur.

Cet été une amie est venue s'installer chez moi, elle l'a placée dans un coin, de dos comme un enfant qu'on punit, m'expliquant que son regard la dérangeait. Cela m'a peinée car Nicole m'accompagne depuis l'âge de mes 7 ans et elle m'amuse toujours. Certes nos conversations ont changé, nous avons mûri, mais notre accord reste parfait.

Ah oui quand même je l'avais installée dans la maison de campagne pendant que j'explorais le monde. Cela a duré quelques années, la séparation ne me pesait pas, qu'en était-il pour elle? Je n'ai jamais su, j'ai vu pourtant ses traits perdre de leur finesse, son teint s'affadir, mais son regard bleu profond est resté intact. J'ai dû lui racheter des souliers car les siens étaient bien entamés, changer sa robe mitée, lui remettre du rouge à lèvres, elle a repris sa place dans ma vie, elle n'a pas l'air de s'en plaindre. Je voudrais lui offrir une nouvelle garde robe à sa taille, mais l'amener pour essayer dans les boutiques serait dangereux, non pour elle je ne pense pas mais ils me regarderaient de travers, et peut-être voudraient m'enfermer illico, non je ne prendrai pas ce risque je la garde chez moi.

Si elle désirait, elle aussi, sortir et voir le monde?

Oh non ma poupée se satisfait à l'abri sous mon aile des récits dont je l'inonde, elle trace de sa présence pertinence et compassion.

Mais en secret, elle revâsse d'une autre évasion?

 Chantal J

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