Cervelle d'oiseau, par Rolande Bernard
Piste d'écriture: décliner une expression familière.
Cervelle d'oiseau
Je suis devant ma feuille blanche
A bâiller aux corneilles,
La bouche ouverte à humer l’air,
Attendant l'élan pour répondre aux questions demandées.
Avec ma cervelle d’oiseau,
Je ne me rappelle plus quand on a coupé la tête de Louis XVI
Ni condamné Marie-Antoinette à l’échafaud.
Etait-ce en 1496 ou en 1515 ? ou en 1914 ?
Il faut dire que je préfère voleter par monts et par vaux
Que de becqueter mes leçons.
Dès que je peux, par tous les temps,
Je vais battre la campagne.
Le plaisir que cela m’apporte n’a rien de comparable.
J’en connais tous les coins et recoins,
Tous les nids et niches,
Je vais ici, je vais là,
Guettant, observant, étudiant,
Mes compagnons les oiseaux.
L’aisance de leurs déplacements
Exerce sur moi une vraie fascination.
D’un coup d’ailes, les voici au faite de l’arbre,
Au sommet du clocher,
Sur la moissonneuse batteuse du père André
Ou sur le dos du cheval blanc,
Ah je m’en rappelle, c’est celui d’Henri IV.
A l’automne certains comme l’hirondelle
Partent migrer, ils survolent un pays puis l’autre
Jusqu’à leur destination.
Six mois plus tard ils referont à l’envers le même périple.
Même les sédentaires ne tiennent pas en place,
Toujours en quête de leur nourriture,
Devenue rare durant les frimas,
Jusqu’à ce que la nature printanière
Leur en offre en abondance.
Ce sont eux les plus grands voyageurs,
En pleine liberté.
Quand en ferai-je autant ?
En attendant je dois rentrer à la maison
Affronter ma mère :
« Paul, j’en ai assez de tes escapades,
Tu files un mauvais coton,
Quand comprendras-tu que ta scolarité doit être ta priorité ? »
Mais je regarde par la fenêtre :
La pie, le pinson, le rouge-gorge, la fauvette, le merle et la mésange,
Le martinet et le corbeau, la corneille et le passereau,
Et ma préférée, la tourterelle turque…
Ce sont là mes études.