Les papillons, par Michelle Jolly

Piste d'écriture: choisir quelques images (tirées du jeu Dixit), et s'appuyer sur elle pour écrire une histoire. 

LES PAPILLONS

Sylvain n'avait pas vu le tableau tomber, maladroit comme il était, distrait comme
d'habitude. Sylvain avait, disait-on, des papillons dans la tête, et maintenant il y
avait un trou dans la toile;une déchirure nette comme une étoile de mer pointue et
noire. Quelqu'un remit le tableau en place, et Sylvain, cloué dans son
fauteuil, regardait, regardait et ne le reconnaissait pas.

Avant, c'était un joli paysage sans histoires avec d'agréables maisons colorées, les
unes contre les autres: à gauche une modeste église dominait, devant, une
étendue d'eau, tranquille; "Avant, se disait Sylvain, il y avait des coquillages près
de la rive, et, en bas de l'échelle jaune contre la maison rouge, un garçon
attendait. Avant, les maisons étaient bien droites, avec de la lumière aux fenètres,
j'entendais des gens parler, des enfants riaient en jouant, et même quelqu'un
jouait du piano derrière l'église, avant, j'en suis sur, j'ai mème entendu une fois la
cloche du clocher!"

Lui, qui avait des papillons plein la tête, pensait à juste titre que par le trou béant,
le garçon s'était échappé, curiosoté? envie d'aventure? il le voyait cherchant près
de la mer les coquillages perdus, le ciel était limpide, sur le sable une énorme
coquille était ouverte et des pas imprimés au sol s'en éloignaient! Ainsi, la coquille
renfermait quelqu'un? le garçon voulait savoir, il suivait les pas, il marchait, laissant au sol ses empreintes, Sylvain , lui ne pouvait pas car il n'avait jamais marché, mais dans sa tête il voyageait loin, très loin.

Ils étaient arrivés là où il y a la neige, le sol était froid, on voyait des pas d'enfant, puis dans le sens contraire, de grosses empreintes d'animal, une paume large et des griffes pointues et profondes. Sylvain dont la tête bruissait de papillons, sentit que
l'enfant surpris et curieux suivait ces traces,il se demandait:" De quelle maison est sorti cet animal là?" et poursuivait son rêve éveillé. L'enfant courait dans les rochers, s'écorchait à des ronces, manquait de tomber plusieurs fois, car le sentier
était périlleux. Il n'y avait plus de neige, mais des rocs énormes, difficiles à franchir; Sylvain le voyait grimper encore, s'accrocher, déraper, puis se cramponner au rocher. En s'approchant d'une grotte d'où sortait le bruit haletant de souffles courts, il aperçut par l'ouverture béante, deux yeux fixes et apeurés qui le regardaient. Celui ou ceux qui le fixaient étaient effrayés aussi murmura-t-il:
"Viens, je ne te ferais pas de mal , viens..."

Et c'est là que tout bascula, Sylvain qui suivait ses papillons crut entendre le piano, les rires d'enfant, il sursauta, comme s'il se réveillait.. Une main tassa un coussin derrière son dos, glissa le fauteuil vers la fenètre pour profiter du soleil , soudain il
s'aperçut que le tableau avait repris sa place . En regardant bien il avait même retrouvé son visage d'avant! Les maisons étaient droites , bien rangées, devant la maison rouge près de l'échelle, deux jeunes garçons attendaient, l'eau plus bas
entourait quelques coquillages ,et dans le ciel le trou avait disparu! Seul, derrière l'église, un aboiement sonore et inhabituel l'étonna......