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22 avril 2013

Le Loup et les Autres, par Anaïs K.

La publication des textes inspirés des toiles d'Ivan Dmitriev se poursuit, avec cette nouvelle d'Anaïs.
Page facebook d'Ivan:. https://www.facebook.com/#!/pages/MOLOTOFS-ART/437600772983980?bookmark_t=page

 chat_cheschire

Le Loup et les Autres 

         Je vois Papa, allongé sur le sol. Il y a du sang autour de lui. C'est le Loup qui l'a frappé, encore et encore. Même quand il ne bougeait plus, même quand il ne criait plus.

         Le Loup fait peur. Surtout ses dents. Elles sont grandes et pointues. Il donne des ordres aux autres ; je crois que c'est le chef. Il les frappe aussi. Tout le monde a peur de lui. C'est pour ça que je l'appelle le loup.

         Ils sont ici depuis tellement longtemps. De là où je suis, je vois le soleil qui descend.

         Ils ont tout cassé. Le Loup n'a rien touché, il criait sur mon Papa. Les Autres, ils ont renversé la table, cassé la vaisselle, détruit les chaises. Mon Papa, il a donné tout son argent, mais ils s'en fichaient. Ils ont soulevé le lit où on dort tous les trois. Où on dormait, je crois. Peut-être qu'ils me cherchaient. Ils ont vidé les tiroirs de l'armoire et les ont fait tomber par terre. Ils ont pas pensé à regarder dessous. Maman m'a dit de m'y cacher. Avec Papa, ils m'ont poussé très fort. Je respire mal, je suis un peu coincée mais personne ne m'a trouvée.

         C'est elle qui les a entendus en premier. Elle a voulu qu'on s'échappe vers les champs mais Papa est arrivé, en disant qu'ils étaient partout. Alors ils m'ont cachée et ils ont attendu.

         Ils ont dit au Loup qu'ils étaient seuls et qu'ils pouvaient tout prendre. Il a rigolé.

         Le Loup, justement, il se penche à nouveau vers moi. J'arrête de respirer. Il soulève la tête de Papa et la laisse retomber sur le sol. Il crie quelque chose. Le sang m'a éclaboussé, j'ai envie de hurler. Je me mords très fort la langue.

         Il sent l'alcool de riz, comme le voisin. C'est peut-être pour ça qu'il crie tout le temps. Ses dents font peur mais ses yeux sont fatigués.

        le_b_lier Mon Papa, il a essayé de protéger ma Maman. Il avait un couteau. Mais les autres ont rigolé et l'ont frappé. Le Bouc a pris Maman et l'a mise sur le lit. Il l'a attachée, je crois. Je voyais rien, mais je l'entendais qui essayait de pas hurler. Le Bouc, je l'appelle comme ça parce qu'il pue.

         Il a fait du mal à ma Maman plusieurs fois. Le Loup aussi. Les Autres aussi.

         C'est la nuit. Je voudrais sortir mais je peux toujours pas. Ils sont pas partis. Le Bouc parle avec les autres, je les entends, mais je les comprends pas.

         Papa n'a pas bougé. Il sent mauvais. J'ai envie de faire pipi. Je peux pas me lever. Tant pis, je vais faire dans ma culotte. Je crois que Maman me grondera pas.

         Ils continuent à leur faire du mal. Tout à l'heure elle pleurait. Elle a arrêté, elle est forte.

         Elle doit être fière de moi. J'ai pas dit un mot, j'ai pas bougé.

         Quelqu'un est entré. Il y a une odeur bizarre. Il discute avec les Autres. Je les entends fouiller la maison. Pourquoi ? Il n'y a plus rien à prendre.

         Le nouveau venu s'accroupit. Je ne vois pas son visage mais il a une cigarette à la bouche. Je le reconnais, c'est le fils du maire.

         Il se relève et appelle les Autres. Ils arrivent et me tirent de dessous l'armoire. Ils me transportent vers la cuisine. Je vois Maman sur le lit, elle leur hurle de me lâcher. Elle a des bleus partout et n'a plus qu'un œil ouvert.

         Ils me jettent sur les débris de la table.

 

         Je suis chinoise. Je suis née à Nankin, en 1929, et je vais y mourir. Cette nuit ou bien dans les six prochaines semaines. Comme des milliers d'autres femmes et enfants. 

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